Seth MacFarlane, for he’s a jolly good fellow, and so say all of them !
Le producteur-réalisateur Seth MacFarlane a animé les Oscars il y a quelques jours. Il a orchestré un festival de masculinades, dont le paroxysme était une chanson d’une misogynie violente. Il a interpellé parmi les plus grandes actrices, d’abord seul, puis commandant à un choeur entier d’hommes aussi rigolards que lui, en leur lançant en chantant « We saw Your Boobs, You too, and You too …. » (« Seth MacFarlane and the Oscars’ Hostile, Ugly, Sexist Night« , The New-Yorker, 25.02.2013). Il s’agit d’abord d’une humiliation publique, particulièrement bien préparée (des images des actrices avaient été enregistrées, et diffusées par intervalle, pour faire croire que l’on voyait en direct leur réaction, et surtout l’une d’elles qui a été félicité pour n’avoir pas montré ses seins, et qui fait un geste de victoire). Le message est clair : « Ces actrices, toutes des Sexe et que ça« , la plus vieille insulte du patriarcat. Et « Voyez, y’a une petite maline, elle s’est fait baisée, elle ! ». Car il s’agit bien de ça : révéler aux femmes que le pacte officiel de non-agression qui entourerait la sexualité est un leurre, un pur mensonge, fait pour les détruire pendant et après les agressions, pendant en érotisant le mépris et la haine, après en leur fabriquant une réputation. La plus vieille technique du patriarcat pour contrôler, par la trique, la classe des femmes.
Mais la violence va plus loin. En fait, cette performance était bourrée de « rape-joke », d’humour viril sur le viol. Car beaucoup des scènes visées sont en fait des scènes de violences masculines, parfois des tortures.
Je repends des éléments de cet excellent article : “We Saw Your Boobs” celebrates rape on film ?By Katie Mcdonough.
Rape-JOKE 1 CHARLIZE THERON in “Monster”
Ce film est issu d’une histoire vraie, celle d’une femme, ayant enduré presque tout des violences masculines, et qui fut exécutée en Florida en 2002 pour avoir tué 6 hommes. La seule fois où on voit sa poitrine dans le film, en un éclair, c’est quand elle est dans la salle de bains, juste après un viol aggravé par un prostitueur. Elle examinait ses blessures.
Rape-JOKE 2 HALLE BERRY in “Monster’s Ball”
En 2010, Tim Wise, pour Radicalicious, commente ainsi les scenes que Seth qualifie de sexy : en gros Non seulement c’était une scène d’agression […] mais en plus, dans les yeux de beaucoup de gens, elle renvoyait à toute l’histoire des agressions perpétrées par les hommes blancs contre les femmes noires, et la sexualisation de ces femmes.
Rape-JOKE 3 HILARY SWANK in “Boys Don’t Cry”
Il faut savoir que ce film retrace l’histoire vraie d’une femme punie par deux hommes pour avoir adopté un mode de vie d’homme. Ils l’ont d’abord violée et rouée de coups, et, après sa plainte qui n’aboutît pas, ils l’ont traquée et tuée. Dans le film, on voit sa poitrine pendant son examen par le médecin légiste, après son viol aggravé.
Rape-JOKE 4 SCARLETT JOHANSSON in her real life …
Cette actrice n’est pas dans la liste de Seth pour un de ses films. Mais pour les photos qui lui ont été volées et diffusée publiquement, sur internet, dans un acte de violation. UNe agression sexuelle réellement vécue par cette actrice.
Rape-JOKE 5 JODIE FOSTER in The Accused
Quand Seth se paie la tête de Jodie Foster, en fait il parlait du film The Accused, qui est inspiré d’un fait réel de viol en réunion.
Un rape-joke. Pour l’exemple.
The Accused, c’est l’histoire romancé (car dans la vérité, la victime s’est suicidée après le procès) d’un vrai viol en réunion, avec actes de torture. Deux des accusés ont été poursuivis pour viols aggravés.
Sentences de prison : Daniel Silvia 9 à 12 ans ; Joseph Vieira, 6 à 8 ans ; John Cordeiro and Victor Raposo, 9 à 12 ans. Parmi les accusés, il y avait aussi Jose Medeiros et Virgilio Medeiros. Un des « témoins » non poursuivis : Carlos Machado
Un dérapage ?
La performance de Seth démontre une vérité sur les caractéristiques de la conscience dominante : les hommes connaissent parfaitement les rouages essentiels de leur système d’arnaque. Ils savent aussi quand les « révéler » aux victimes, pour les sidérer et leur montrer combien elles sont ferrées quoi qu’elles fassent … les faire rire là-dessus est un geste sadique de plus.
Les professionnels du cinéma savent que cette industrie est pour eux, pas pour elles. Elles, elles sont là pour subir. La persécution d’un serial killer, la chosification du héros de l’histoire, l’invasion sexuelle de tous les mâles environnants. Ils savent que l’alibi de « libération sexuelle » qui leur sert à dévêtir les actrices n’est qu’un tour de plus dans leur cercle infernal d’humiliations. Ce que Seth révèle est le cynisme dominant : « Mesdames, voues pensiez devenir « quelqu’un » en jouant selon nos règles du jeu ? Et non ! Et d’ailleurs, nous, on se met pas à poils pour être libres !« . « Mesdames, voues voulez faire du film politique ? En fait voues ne faites que du cul, car voues êtes le sexe« . On peut entrevoir ici le rire gras et viril que suscitent les FEMEN & autres SlutWalkers qui ont pris au mot le dominant … En faisant même comprendre que se mettre nue est le rôle unique que tiennent certaines dans tous leurs films [comme Kate Winslet selon Seth], il jette le soupçon d’incompétence et de coucherie sur les actrices. Dans un contexte où les actrices ne sont célébrées que pour leur beauté, et jamais pour un savoir-faire, ni même pour un savoir-faire en matière esthétique, ces gifles sont magistrales.
Les hommes en tant que classe prédatrice savent aussi que la meilleure manière de blanchir l’ampleur des violences sexuelles dans l’industrie est de jeter le soupçon sur les actrices elles mêmes : le fameux « elles couchent pour réussir » est l’arme principal pour nier les violences sexuelles à l’embauche et à l’avancement ; et ici, le « elles montrent leurs seins tout le temps » sert à nier les violences sur les plateaux de tournage. Enfin, chaque classe possédante a pour but de déposséder les subalternes, et si ces subalternes vivotent quand même, il s’agira de le leur faire payer et repayer. C’est pourquoi Seth s’est attaqué à des nominées et des oscarisées. En en faisant une série de « celles qui montrent leurs seins« , Seth a littéralement balayé les savoirs-faires de ces actrices. Or ces films plus que d’autres demandent une implication et une maîtrise de son art hors norme, ainsi qu’une résistance face aux violences réelles perpétrées sur les plateaux de tournage durant les scènes et autour.
Mais surtout, à quoi avons-noues assisté concernant la sortie sur Jodie Foster ou Charlize Theron ? A une vraie reprise en main virile de deux des seuls films qui aient été aussi réalistes sur les violences masculines sexuelles. Ce sont aussi des vrais succès populaires, qui ont touché beaucoup de femmes, le public cible, car elles doivent être prévenues de la dangerosité des hommes. Et enfin, ils montrent des femmes qui ont répliqué face à la violence masculine : l’une les a traînés en procès, l’autre les a tués. L’enjeu est donc important pour la clique virile, dont le souci principal est de camoufler et consolider ses civilisations bâties sur le viol et la terreur.
Enfin, on mesurera le sadisme viril qui s’étale sans complexe à la télé : Seth noues rappelle que même les images explicites de viol ne sont en fait que des images titillantes faites pour faire jouir ses copains. Cette décontraction serait un « dérapage » ? Non, non, pas à PornHell, où l’industrie du film est massivement pornographique. Or la pornographie n’est rien d’autre que nommer « sexy » des images de viols, presque toujours réels.
De fait, on vit dans le monde des Seth nains. Chaque pornophile (en France, les graçons regardent leur premier porno à 9 ans 10 mois) a ce même réflexe de voir « un corps » en chaque femme, nue ou habillée, non pas une présence ni un être, non, mais un « corps », comme un cadavre. La nudité est alors un même état de chose à prendre, qu’elle soit nue par désir ou à la suite d’une agression. De même, le porno-imbibé a ce même réflexe de n’entendre que preuve de jouissance dans le cri et la respiration saccadée, même quand ils sont arrachés sous l’effet des coups de pilon sur le corps d’une victime.
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Plus la pornographisation des cerveaux virils avancera, plus les images issues de viols ou représentant des viols seront estampillés « sexe », plus le sadisme des hommes grandira.
Et l’histoire noues l’a appris à coups de génocides parfois éclairs : les propagandes haineuses relayées par les médias officiels préparent et étouffent des crimes de masse.
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Analyse féministe par Lynn S. Chancer de certaines suites politiques de l’affaire
Boys don’t cry ne retrace pas l’histoire d’une « femme qui adopte un mode de vie d’homme ». Brandon Teena était trans. Ce sont ses agresseurs qui le voyait comme… une femme cherchant à se faire passer pour un homme (ce qu’ils ne pouvaient pas laisser faire, et c’est pourquoi il s’agit là autant de misogynie que de transphobie primaire).
nous n’avons pas la même analyse des enjeux politiques « trans » (genre/sexuel).
Et pour autant je ne m’identifie pas à la vision de l’agresseur sur la victime.
b.
Il y a beaucoup de problèmes de transphobie au seins des féminismes.
Quand Prose vous a fait remarqué que Brandon Teena était un FtM vous auriez pu corriger votre texte pour en parler avec le bon genre, celui respectant l’identité de la victime.
Qu’est-ce que cela aurait changé dans votre article?
Rien. A part dire que les frontières entre sexisme, transphobie et lesbophobie sont floues.
Mais vous n’avez pas voulu. Au contraire vous en rajoutez une couche en parlant d’enjeu politique là où il s’agit juste de respect.
Mais bon ce n’est que de la transphobie ordinaire et je suis sûre que certainEs vous soutiendrons dans votre choix de ne pas respecter les trans. Je suis sûre que certainEs vous défendrons car vous êtes « du même côté ». Tant mieux.
Sachez cependant que je vous vois et que je ne suis pas seule à ne plus supporter la transphobie en milieux féministes.
Au revoir, puissiez vous vous rendre compte que vous reproduisez des schémas d’oppressions que vous condamnez.
je laisse passer ce commentaire car il est exemplaire des méthodes masculinistes qui animent certains activistes qui instrumentalisent les paroles individuelles et des causes justes dans des campagnes d’agression anti-féministes systématiques et ciblées (diffamation, intimidation, paralysie et explosion de collectifs).
Les méthodes sont connues. Ici, on verra l’alternance entre victimisation et menace puis retour à une parole d’accalmie, cycle typique de manipulation. Leurs menaces sont de véritables armes d’intimidation, car contrairement aux féministes, les activistes de certaines causes, en particulier dans la ligne de la libéralisation sexuelle entamée par les grandes industries pornstitutionnelles et cosmétiques, passent à l’acte – on lira entre autres http://sousleparapluierouge.wordpress.com/ .
On retrouve aussi le harcèlement en réseau : l’invasion par plusieurs activistes d’un même blog, au point de le faire fermer, comme cela a été le cas dernièrement de celui de Christine Le Doaré. C’est déjà la deuxième personne qui intervient ici sur une seule phrase.
Des féministes radicales comme Sheila Jeffreys ou Malka Marcovich ont été littéralement lynchées en place publique par ces masculinistes, compromettant des tenues de conférences parmi les rares que peuvent tenir les féministes radicales. On s’étonnera évidemment de ne jamais voir ces grands défenseurs de la cause des opprimé-e-s attaquer les vrais tenanciers du pouvoir qui ségrègue et exclue en fonction du sexe anatomique : les lieux virils. Les cibles féminines sont tellement plus faciles, à ne jamais porter plainte ni pour diffamation ni pour harcèlement.
Sachez cependant que même si les féministes ne répondent pas et se taisent sous les coups et les injures et les menaces, noues accumulons des dossiers (dans votre style je retrouve la verve d’une nommée « Cassandra Cochin » sur fb par exemple) et je ne suis pas la seule à ne plus supporter le masculinisme qui instrumentalise la voix des stigmatisé-e-s.
binKa
Je suis carrément d’accord avec cet article, mais attention à ne pas mettre tous les hommes (et toutes les femmes aussi) dans le même panier :p
Ping : Le cinéma est politique » Sexisme aux Oscars 2013
Que les harceleurs semi-professionnel-le-s pro-trans cessent de se fatiguer, je ne publierai aucun de vos commentaires de victimisation, intimidation, insultes, anathèmes, et autres.
Les témoignages individuels n’ont pas non plus leur place sur un blog féministe quand ils développent un dégoût et une haine de soi du simple fait d’être « femme », sans aucune analyse politique, ni de cette haine ni de l’anatomie qui suscite ce dégoût : ce discours est profondément misogyne et naturaliste, à l’opposé total des thèses de ce blog. D’autant qu’il est doublé d’une valorisation sans limite de la virilité. Si vous voulez être pris pour des sujets politiques, avancez comme tels, avec des analyses politiques (situées au plan collectif, soucieuses du rapport de force qu’imposent les hommes) de vos stratégies de survie et non des sentiments personnels qui répètent mot à mot la doxa patriarcale.
Enfin, adressez vos doléances aux tenants du pouvoir, les hommes, que vous épargnez tant, et avec lesquels vous vous associez si promptement dès qu’ils vous reconnaissent d’un petit regard, et même s’ils détruisent en masse des femmes par leurs politiques pro-prostitution, pro-sadisme sexuel, pro-pornographie, etc.
b.