BDSM : not about consent, but about rape !

Voici ce que des pro-SM ont mis en commentaire de mon article sur le consentement (par deux fois, quelques mots seulement ont été changés, donc le caractère publicitaire est démontré) :

« Bonjour, je prie pour que ce petit mot ne soit pas pris pour un vulgaire message publicitaire étant donné que la communauté dont je vous parle ne vend rien. Si le BDSM** anglophone était richement pourvu  en la matière, le BDSM en France n’offrait presque rien en matière de réseau social axé sur le BDSM. Sites payants ou forums santé peuplés de « vanilles », peu évident de se regrouper d’autant plus que Facebook à la gachette facile avec tout ce qui s’avère non vanille. Bref, on essaie d’offrir une communauté francophone … Ce sera hasardeux, pourtant nous voulions faire l’essai [XXX]. Voilà c’est posé. Nous avons besoin de l’aide de tous pour réussir le pari. Si vous en parliez cela nous aidera énormément. Merci d’avance … »

** BDSM = Bondage, Discipline, Domination, Soumission.

  • Ces misogynes « prient » pour que le spam marche ? Et ils traitent les féministes de culs-bénis ?!
  • Ces capitalistes ne vivent que de l’industrie mondialisée dite du « sexe » – vaste marché des femmes à violer et vaste foire à la misogynie excitante – mais ils prétendent qu’ils ne font pas de publicité… Et ils traitent les féministes d’hypocrites ?!
  • Ils traitent avec le plus grand mépris les « vanillas », car le mépris les excite, ça fait partie de leur scénario : le mépris, à côté de la haine et du rejet. Mais ils n’hésitent jamais à dire que les féministes « méprisent » certaines femmes … pure projection.
  • Ils parlent de « communauté » alors qu’ils ne se connaissent entre eux qu’à la faveur d’intérêts carnassiers : haine des femmes et du féminin qui les excite + consummérisme de « toys » et autres gadgets tortionnaires (petits fouets, menottes roses … bref tout l’attirail carcéral au service de leur jouissance misogyne) … Ils se la jouent amateurs alors qu’ils ont pignon sur rue (dans les médias, par des subventions de collectivité, par leurs capitaux personnels qui sont parfois colossaux)…. Ils s’en remettent à la « chance », ils « parient » sur le hasard, alors qu’ils sont ultra-organisés : ils avouent qu’ils testent les réseaux sociaux et les forums de santé, et ils parviennent même à spamer un blog aussi confidentiel que le mien !  L’argument est le même que pour la porno : « Oh ben, on est amateur, c’est entre-soi, caméra sur l’épaule vous savez, tout cela n’existe que pour et par le plaisir des corps » … Bien sûr !Mais c’est les mêmes qui parlent d’une internationale féministe, ayant accaparé le pouvoir (médiatique et politique) ! Projection encore.

Le contrat sadique : ou comment sceller le silence sur le viol sous emprise.

Contrairement à ce que disent les pro-SM, leur sadisme ne se limite pas à la sexualité, il organise leur conception du monde et des gens. C’est pourquoi ils attribuent à leurs adversaires politiques une « malveillance » et une « résistance » à se laisser effracter par leur idées, directement issue de leurs pratiques sexuelles. Ils appliquent leur système agresseur à tout, tout est binaire chez eux. L’univers se partage en « mauvaise » vs « pure », « passive » vs « actif », « couchée », « abandonnée » vs « volontaire », « déterminé », « loser » vs « winner » …  selon les binaires édictés par les réorganisations successives (religieuse, capitaliste, individualiste, néolibéral, etc.) du patriarcat.

Ils méprisent viscéralement le statut de « victime », c’est pour cela qu’ils multiplient les scénarios qui en produisent, puis les insultent, puis jouissent encore de cette ultime humiliation. Leurs actes ne visent qu’à « purifier » l’autre ou soi-même de cet état de « victime », de cette « tare » que serait la passivité face à l’ennemi qu’ils prêtent aux victimes. C’est pour cela qu’ils ne parlent jamais de subordination ou d’oppression mais de « soumission » – du verbe « SE soumettre », et non « être soumise par » autrui ou un pouvoir. Or cette tâche morale, cette faute, est synonyme de « féminité », car « la femme » est l’incarnation de la défaite absolue (mort, déchéance, immoralité) dans le système agresseur qui régit l’univers idéologique patriarcal. Dans le SM se déploie la quintescence de la haine pour les femmes en tant que victimes , c’est à dire ce mépris et ce dégoût qu’ont les hommes pour nous une fois qu’ils nous ont mises à terre, ce crachat dont ils nous honorent après nous avoir obligées à mendier auprès d’eux les sources mêmes de notre envie de vivre (amour de nous-mêmes, amour pour l’autre, plaisir sexuel, reconnaissance). Leur mépris pour les victimes qu’ils créent est leur ultime triomphe, une supériorité de plus dont ils se targuent une fois qu’ils ont organisé et bénéficié de leur monopole sans partage, à tous les plans, y compris au plan affectif – dans cet univers sexiste, seul l’Homme est digne et aimable, « la femme » est un être méprisable, que seul un homme peut daigner reconnaître, et la sentence sera prononcée par la bandaison du sceptre viril.

Dans ce monde binaire des sadiques et des « victimes », leur mot fétiche, « consentement », a un sens bien précis, contractualiste : il ne sert qu’à couronner d’une ultime victoire morale le triomphe du sadique sur l’autre ; le sadique fait alors rendre sa parole à celle qu’il soumettra ensuite plus brutalement, il la fait abdiquer avant l’ouverture officielle des hostilités. Sadisme encore : il lui fait rendre l’âme avant son corps, en lui faisant croire qu’elle a participé à sa reddition de son plein gré, sans contrainte. Pourquoi ?

Car les conditions et termes mêmes du pacte ne sont que vice de consentement et contrainte :

 > dans la forme, il s’agit d’abdiquer son autonomie, de la céder au sadique. L’objet d’un consentement ne peut être l’abdication de ses capacités à consentir. Or tous les contrats SM ont un objet tacite : « consensual non-consent », « consensual rape », selon leurs propres expressions ! C’est à dire un accord mutuel de pouvoir agir comme si le consentement avait été vicié. D’où les pratiques de contention, de contraintes, de surprise, de violence dans les gestes et les mots, d’usage d’armes [le pénis est utilisé comme une arme car la menace de la douleur qu’il pourrait provoquer fait partie du scénario]. Sadique et victime n’ont donc pas le même pouvoir de consentement : la victime donne un consentement global à ce que le sadique planifie de faire. Son consentement n’est donc nullement éclairé. Et l’objet de ce consentement est de renoncer à refuser la surprise. Elle consent donc à un des 4 éléments qui qualifient le viol au plan pénal en France. Et bien souvent, elle consent aussi de fait à la contrainte (morale – menace, faux choix, paradoxes, surprise – ou physique – contention contre le mur ou le lit, menottes, attaches, etc.), la menace (avec des objets – fouet … – ou par des mots) et la violence (fessée, cheveux tirés, etc.). Le pacte SM vise donc à faire consentir les parties aux 4 éléments qui qualifient le viol. Pur sadisme envers la victime, pure stratégie de l’agresseur ;
> dans le fond, les scénarios sadiques ont été inventé par les hommes contre les femmes, ils pèsent des millénaires de viol et de mutilation de la sexualité des femmes. Ils sont aussi un panaché de toutes les violences inventés par le patriarcat depuis son avènement, reprises en boucle par la pornographie gonzo (viol par inceste, violences médicales, violences sexistes au travail, brutalités carcérales, violences esclavagistes et concentrationnaires, inquisitions des « hérétiques et sorcières »,  exactions des armées d’occupation). Les scénarios SM annulent la validité légale du consentement, car ces violences sont condamnées par des Conventions Internationales qui stipulent que le consentement des victimes est sans incidence sur leur qualification ;
 > enfin ce pacte est scellé dans un contexte social radicalement inégalitaire. L’inégalité sociale fait déjà des femmes les hors-jeu sinon des perdantes dans tous les jeux virils (chasse sexuelle, conquête matrimoniale, compétition professionnelle, course à l’armement, etc.). Cela vicie le consentement car la victime est déjà vulnérable, vit déjà dans la peur et dans une forme plus ou moins exacerbée de persécution. 

Ce pacte manipulateur, affichant une « légalité sans tâche », scelle la subordination de l’un par l’autre : il est donc une mascarade de liberté démocratique. Ce pacte genré scelle presque toujours la subordination d’une femme à un homme, dans un contexte global d’inégalité radicale : il est donc un fac-similé du contrat sexuel social (cf. Carole Pateman The Sexual Contract). En cela, il est un vrai outil de domination : en piégeant la victime à sa propre parole, il scelle le silence, verouille le secret, assure l’impunité de l’agresseur. Ce pacte ajoute donc, à la souffrance  infligée par le sadique (dissociation, panique, humiliation voire douleur), la honte .

Invoquer le consentement de la victime pour blanchir le BDSM de ses violences est inacceptable. Par deux fois.

Au plan légal : il existe des textes de loi et des Conventions Internationales pour protéger les individus des coups et blessures, du viol, de l’atteinte à leur intégrité physique et mentale, de la torture et des actes de barbarie, de l’esclavage, de la prostitution et du meurtre. Or tous ces textes précisent que le consentement de la victime est sans incidence sur la qualification des violences. Le « Sadomasochisme » légitime toutes ces violences, opposant à leur qualification pénale une notion caduque : le « consentement » de la victime. Le SM provoque toutes ces violences ou en organise des simulacres – le simulacre d’exécution ou de viol sont des tortures reconnues comme telles par Amnesty International. Ses promoteurs profitent de certains vides juridiques mais surtout font bouger les lignes du droit en leur faveur.  Leur pression est parvenue à revenir sur ce principe fondamental des droits humains : nul ne peut consentir à sa destruction, la société a le devoir de protéger aussi de cela chaque individu. Ce principe humaniste, inscrit dans des Conventions Internationales, est issu de mouvements sociaux et du choc éthique face au génocide nazi. Si aujourd’hui ils sont révisés au nom de la notion de « consentement » de la victime à sa destruction, c’est uniquement sous la pression des industriels du sadisme (pornographie, proxénétisme [ils ont réussi à établir la distinction entre « prostitution forcée » et « prostitution choisie »; cf. Malka Markovitch Guide Convention 1949, French final ] et BDSM [comme le démontre l’aberrante affaire K.A. et A.D. c. Belgique]). 

Inacceptable aussi pour quiconque lit les mots SM. Les promoteurs ne cessent de nous parler de « la masochiste » : ses choix, sa liberté, son plaisir, son consentement … Personnellement, ce ne sont pas ses « choix » qui me posent question ou sont un dilemme politique et pénal. Ce sont les choix du sadique. Car il y a une différence éthique et pénale entre suicide et meurtre, entre auto-destruction et agression. Le SM, c’est aussi le sadisme, son érotisation même, c’est à dire son exacerbation, ancrée dans l’érotisation de la haine de l’autre. Le sadique « consent » à maltraiter l’autre. Et même y trouve une excitation (source d’escalade immaîtrisable) et le désire (source de récidive). Au plan pénal, il y a un vrai problème. Au plan éthique aussi. La violence intentionnelle est la cause majeure de troubles dissociatifs. D’autant plus quand elle est sexuelle. Or le sadisme est une intention extrême dans la relation à autrui : la victime ne peut jamais esquiver cette intention :
– ni dans le regard : indifférent, froid ou dur ;
– ni dans les gestes : égocentriques voire brutaux ;
– ni dans les paroles : déni de la souffrance (silence voire interprétation sidérante « tu aimes ça, tu mouilles, ça t’excite« ), inversion de la culpabilité (« je fais pour ton plaisir, c’est toi/ton corps qui le demande« ) … voire insultes qui toujours inversent la culpabilité du sadique (« salope » = « celle qui jouit d’être maltraitée, toujours plus, car elle n’en a jamais assez » ; « pute » = « celle qui peut tout accepter car rien ne peut la dégrader davantage que ce qu’elle est ») ;
– ni dans les conséquences pour elle de ces gestes (sidération, confusion sur ce qu’elle a accepté, blancs sur ce qu’elle a désiré, dégoût de soi, envie d’oublier, destruction de sa sexualité par la suite, avec flash back et compulsions à répéter les mots qui ont accompagné l’effraction psychique première).
L’intention sadique exprime la haine. Réalisée dans un contexte sexuel, elle est donc l’une des sources majeures de psychotraumatisme. En fait, la violence dite « SM » est vouée par nature à dissocier la victime. Dans ce contexte, le consentement non seulement ne devrait pas blanchir les violences sadiques, mais devraient même les prouver et les condamner : consentir à sa propre destruction est le signe que nous sommes détruites. Le consentement de la victime dans cette dynamique n’est que le symptôme de la destruction qui effrite petit à petit toutes les fonctions vitales de sa conscience. Pourquoi ? Car la dissociation vicie le consentement : déréalisée, nous ne pouvons évaluer le danger ; dépersonnalisée et décorporalisée, nous ne pouvons ressentir notre souffrance, nous ne pouvons donc nous protéger ; amnésique, nous ne pouvons réaliser l’escalade des violences ni les attaques systématiques de notre consentement antérieur. La honte détruit l’amour de soi. Le premier viol, inaugural, est psychique : il consiste à obtenir le consentement au fantasme de viol par le sadique. Il déclenche une violence sadique, qui dissocie la victime. Il entraîne donc immanquablement une série de viols toujours plus graves, viols psychiques puis viols caractérisés – mais n’étant jamais poursuivis, car la conscience du préjudice est compromise par la dissociation et la honte. Le consentement des femmes au fantasme sadique de viol est socialement organisé : aujourd’hui, une propagande multimilliardaire pornographique en fait son unique but. L’escalade sadique dans la sexualité « normative » est donc une catastrophe annoncée ; face à une industrie mondialisée, elle menace des centaines de millions de femmes. Dans ce contexte, les pro-SM assurent l’impunité des centaines de millions d’hommes que la pornographie excite au viol et au sadisme : si la notion de consentement prévaut sur celle de viol et même d’actes de torture et de barbarie, leurs violences les plus sadiques seront aussi légales que celles des pornographes, protégés par la notion de liberté d’expression.

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BDSM témoignage recueilli par le mouvement du NID

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Le sadisme sexuel : un protocole dans la guerre totale que nous font les hommes.

Je dis « ils » pour parler des pro-SM, car cette idéologie d’anéantissement vient des hommes et leur revient, sous forme de bénéfices inestimables (nous faire renoncer à la liberté n’est pas la moindre de leur victoire). Certes, il y a aussi des femmes (moins de 10% des adeptes du SM) qui promeuvent le SM. Je fais une différence radicale entre femmes et hommes dans le SM, y compris concernant les femmes sadiques. Les hommes jouent concrètement au masochisme car ils sont dominants dans le rapport de genre qui organise l’érotisme patriarcal. Ils sont sujet de plain-pied dans le sadisme, car la virilité est en soi un kit de l’agresseur sexiste, qui s’excite à mépriser, surprendre, menacer, contraindre et doucement violenter. Le « masochisme », le consentement à sa destruction, préserve leur intégrité mentale car leur destruction par une femme n’est que jeu dans un contexte où tout homme règne sur des femmes. Le sadisme, l’excitation à détruire autrui, préserve leur intégrité mentale car il correspond trait pour trait à la virilité, et le sadisme s’exerce sur « l’Autre », le féminin. Il préserve aussi leur intégrité éthique, car ces hommes ont déjà commis des violences sexistes qui sont restées impunies, et dont ils ont joui : ce « jeu » réaffirme donc leur impunité, blanchit encore leur conscience. Ils peuvent donc jouir sans dissociation (ni honte, ni déréalisation, ni dépersonnalisation) des « scénarios » de jeu SM sexistes, où le jeu et la haine du féminin sont les deux choses les plus tangibles de ce dispositif. Les seuls jeux qui risquent de coûter cher, à des gays, sont les scénarios pédocriminels et homophobes, car là, le sadique devra incarner son propre agresseur ou le « maso », son propre statut de victime.

Mais les femmes, elles, ne peuvent pas jouer à leur propre domination, à la violence sexuelle. Ces violences sont trop réelles, tout le temps, partout autour de nous. Dire qu’il peut s’agir de « jeu » pour les femmes est encore du sadisme (il ne faut jamais oublier, quand on aborde la question du SM, que ce sont les sadiques qui en ont écrit l’histoire et les règles). C’est surtout prétendre que l’homme avec lequel elle « joue » la maso n’est pas un agresseur : pur paradoxe. S’il est sadique, il jouit de … l’agresser !

Dès lors, les dites « masochistes » … ce que j’ai à en dire, je ne peux l’écrire maintenant … je ne peux écrire dans ce texte de colère tout le désepoir que me suscite l’oeuvre sexiste dans sa pureté, cette érotisation de notre destruction dans tous ses détails les plus sordides, jusqu’à notre consentement à la haine, jusqu’à l’abolition de notre volonté de nous en protéger et, plus encore, de nous en sauver. Son impact à tous les niveaux de la vie des femmes est incommensurable … que certaines en viennent à se dire « masochistes » en est un des signaux les plus alarmants : en soi, il devrait provoquer une mobilisation citoyenne, civique et féministe immédiate, pour protéger ces femmes, car elles font face à des sadiques, or leur masochisme, par définition, ne pourra pas les protéger de la destruction qu’ils visent, qu’ils désirent et qui les excite. Je n’évoquerai donc que les lesbiennes sadiques : elles aussi sont dissociées par la misogynie de cet « érotisme ». Elles y incarnent l’agresseur sexiste, en utilisent les mots, adoptent ses gestes, utilisent sa brutalité, pour soumettre une autre femme, cette « femme », cette « victime » qu’elles sont au plan de la logique de classe. Parfois, se voyant soudain, en un éclair dans le regard apeuré de l’autre, revenant à elles-mêmes, à ce qu’elles sont et ont vécu, elles peuvent vasciller brutalement de se voir incarner leur propre violeur.

Le BDSM est une torture de toutes, je dis bien toutes les femmes, sadiques et « masochistes ». La maltraitance des « soumises » et la haine pour les « victimes » ne peut mener aucune femme à la libération, car elles sont contraires à toute identification de traumatismes. Or au plan individuel, les traumatismes (sexistes et sexuels) subis sont la source même de cette surenchère de violence sexuelle. Au plan global, cette surenchère sert à blanchir toutes les violences réelles que subissent dans des proportions extrêmes les femmes. Elle établit dans le droit et dans les « mentalités » la certitude que les femmes peuvent « consentir » aux viols les plus sadiques qui puissent exister. Une fois ce « doute raisonnable » insinué dans les pratiques juridiques (cf. Quand une femme est agressée, le doute n’est pas permis ) et dans l’esprit des hommes (conjoints, policiers, magistrat), la violence sexuelle peut se déchaîner dans leur indifférence la plus brutale, voire pour leur plaisir sadique.

En fait, il faut comprendre que le « BDSM » n’est absolument pas la pratique minoritaire, la « sexualité périphérique » à sortir de « l’obscurantisme puritain », que ventent les post-foucaldiens. Au contraire, le pacte « sadomasochiste » n’est qu’une version carnavalesque de la « sexualité » patriarcale. Il est un durcissement néolibéral de la pure violence par laquelle les hommes règnent sur nos vies. Ils règnent sur nous par le viol psychique et physique avant même de régner économiquement, et en retour, la destruction causée par la violence sexuelle entraîne une subordination sans limite, qui entraîne des violences économiques et encore des violences sexuelles [cf. Paola Tabet, « La grande arnaque : l’expropriation de la sexualité des femmes », 2001]. De fait, tous les scripts SM existent dans la pornographie mainstream désormais, celle-là même qui s’élève au rang d’outil pédagogique pour les jeunes générations. Le pacte SM est à la sexualité patriarcale ce que le contrat de travail est à la violence capitaliste : un torchon d’égalité où sont inscrites noir sur blanc les expropriations que la victime va endurer ; en signant, elle affirme sa soumission aux volontés d’autrui et aux conditions injustes établies au plan global. Ce torchon pseudo-légal n’est ni une garantie contre les « abus » (ni avant ni après les abus) ni un acte de libération des subalternes. Il révèle la reprise en main post-insurrectionnel qu’organisent les tenants du pouvoir sur les corps subalternes : il sert surtout à protéger le dominant de toute poursuite juridique, de la condamnation éthique des violences qu’il exerce et de la moindre réclamation quant aux vols dont il jouit.

Le contrat sadique scelle un vol d’âme et un droit illimité au viol et à la torture (psychologique voire physique). Au plan global, il a été créé en réponse aux mouvements féministes, pour saboter radicalement la tentative de libération des femmes, pour briser notre volonté de mettre fin aux violences masculines commises dans et au nom de la sexualité (Sheila Jeffreys How Orgasm Politics Has Hijacked the Women’s movement).

Mais ce contractualisme sadique n’est qu’une étape dans le projet patriarcal. Sade incarne un tournant historique, mais le projet est millénaire d’anéantir les femmes et les dresser à être ce que les dominants veulent : des mort-vivantes, assez mortes pour ne pas risquer qu’elles réagissent à leur violence, assez vivantes pour obtenir d’elles qu’elles prennent l’initiative de leur propre servitude, et sinon, de leur propre destruction. Sheila Jeffreys ( Sheila Jeffreys The Eroticism of In Equality ; Sheila Jeffreys The Spinster & her Enemies ) analyse parfaitement ce tournant historique dans un projet patriarcal de grande envergure. Il consiste désormais à érotiser cette domination, c’est à dire à célébrer le sadisme sexuel contre les femmes. Nommer les femmes « masochistes », et parvenir in fine a ce qu’elles le deviennent, est partie intégrante de ce projet de destruction. Il est porté frénétiquement par quelques secteurs de propagande : les sexologues, les psychanalystes, les pornographes et les pro-SM. Leur concept préféré : l’ambivalence. Ils développent à longueur de théorie et de film qu’il existe une ambivalence fondamentale à l’être humain, naturelle et même nécessaire : « eros & thanatos » – « amour & haine » – « pulsion d’agression et pulsion sexuelle » … Ces tendances « naturelles » sont invérifiables : il n’existe pas de population témoin de gens vivant hors patriarcat qui pourraient prouver la « nature humaine ». Les enfants comme les « Sauvages » et les « fous » en leur temps ont été instrumentalisés dans de vaines démonstrations. Pur mensonge naturaliste. En fait, ces hommes de pouvoir justifient les pratiques de tous les hommes, qui sont d’une banale toxicité : faire la haine sous couvert de faire l’amour, tuer en masse ou à petit feu tout en prétextant reproduire la vie, prendre plaisir à détruire toute altérité, la subjectivité de sa partenaire, tout en célébrant le plaisir d’avoir une « relation » sexuelle avec elle. Banalité du sadisme.

Le projet est global : une industrie multimilliardaire diffuse le script du sadisme sexuel. Elle endoctrine chaque homme à déchaîner cette haine et ce sadisme sur sa copine ou les femmes qu’ils prostituent. Et de fait, au plan individuel, rares sont les hommes qui ne sont pas sadiques. Le premier degré de sadisme est la froideur. Car il est sadique d’être froid face à la souffrance de l’autre, de rester silencieux face à ses suppliques, de s’agacer de ses plaintes. Froideur expérimentale, dégagement affectif du sadique vis à vis de l’autre pour soutenir un désengagement éthique face aux violences qu’il commet et dont il veut continuer à jouir. Or ce sadisme est banal, il est synonyme de virilité. Combien de femmes dénoncent chez leur partenaire la « sexualité sans sentiment », « purement technique », qu’ils nous administrent en guise de « relation » sexuelle ? Son regard froid quand il nous pénètre, son visage dur voire son rictus sadique quand il « donne un coup de rein » plus « viril », son indifférence voire son mépris quand nous lui réclamons des gestes de tendresse. Son absence d' »attentions » quand nous espérons oublier que nous ne sommes qu’un « objet » pour lui. Son refus d’être semblable à nous quand il rompt toute réciprocité dans les gestes (hiérarchie des positions, unilatéralité des pratiques, telles la sodomie). Son sadisme quand il nous démontre que nous ne sommes qu’un outil au service de son plaisir. Son égoïsme quand il nous refuse ce qu’il nomme « préliminaires » car ça ne le fait pas jouir, ou qu’il nous impose la pénétration car il faut qu’il « se finisse » à nos dépens. Ils nient toutes ces violences, voire tous ces viols. Ils nient aussi leur indifférence brutale : ils invoquent notre insatisfaction chronique ou leur innocence, voire leur impuissance à sonder les « mystères » de la libido féminine. Le sadisme monte d’un cran quand la violence et son déni sont plus fermes, et quand le sadique obtient de sa victime qu’elle « participe » à son sadisme.  Les insultes dont il s’excite, la haine et le rejet qu’elles expriment … bizarre pour quelqu’un qui fait « l’amour » ou « désire » l’autre, non ? La fessée dont il accompagne la sodomie : violence. Le déni est sans appel : ils nous traitent alors de « s… » et de « petite p… », qui aime être « baisée » par un homme, « un vrai ».

Banalité du mal. Au plan individuel, ce projet est en fait très alarmant. Il s’agit d’un protocole de guerre, et d’une guerre tellement déloyale qu’elle est basée sur la torture. Le BDSM en est le script. Scénarios clairs. Intention destructrice claire. Impunité évidente. Et conséquences claires : préjudice maximal à la dignité et à l’intégrité mentale humaine de la victime.

Le protocole est inquiétant. La torture est d’abord psychologique. Elle a pour degré 0 le mélange de violence et du déni de cette violence. Elle détruit d’être violence. Elle sidère, déréalise et dépersonnalise, d’être déniée alors qu’elle est une expérience incontournable pour la victime. Or la sexualité patriarcale n’est que cela :

> expropriation de la sexualité des femmes au profit des intérêts sadiques et économiques des hommes. Elle est la conséquence et la source d’une violence considérable mais déniée comme telle : ses crimes de masse sont recouverts par des milliards de publications (artistiques ou industrielles) « romantiques » ;
> brutalité physique mais déniée comme telle et dite « impulsivité » ou « désir impérieux » ;
> insultes déniées comme telles et dites « grivoiseries » ou « mots excitants » …

Le cran au dessus de torture est imposer à la victime d’assister à la torture d’une victime qu’elle pourrait être ou de participer directement à la torture, d’une autre ou d’elle-même. La propagande pornographique impose aux femmes d’assister aux actes de torture perpétrés par des hommes « normaux » sur d’autres femmes, au nom d’une activité « normale » : « la sexualité ». Elles ne peuvent que se sentir interpellées, et comprendre qu’elles aussi ont un numéro dans ce jeu de massacre.

Dans ce contexte global et historique, le contrat BDSM est un acte de torture psychologique de plus : il efface la violence de la surprise qui est au coeur de l’excitation sadique. Au plan légal, il transforme un viol (violence sexuelle objective, perçue comme intentionnelle par la victime, et vécue dans la surprise ) en « viol consenti ». Il augmente le niveau de torture car il responsabilise la victime dans sa propre torture.

L’humiliation est maximale. Dans la forme, les fantasmes sadiques des hommes n’ont pas de limite (la porno gonzo et le BDSM le prouvent), et l’humiliation est vouée à être rendue publique – par des films, des photos, des livres, des exhibitions publiques de leurs trophées, etc.. Dans le fond, il s’agit de faire endosser la responsabilité de cette humiliation à la victime, en célébrant son « masochisme ».

Le préjudice de la torture sexuelle est maximal. Le viol psychique est le but du sadisme sexuel. C’est la première préoccupation de l’agresseur sexiste, d’autant plus s’il n’utilise pas la violence illégitime mais manipule sa victime pour parvenir à la violer. Pas étonnant que cela soit l’objet même du contrat BDSM. Le viol psychique brise la personne de l’intérieur. Comme l’explique Françoise Sironi (1999), spécialiste de la torture de guerre, l’effraction psychique insinue à l’intérieur de la victime l’intention du bourreau. La personne peut souffrir des années durant, parfois toute sa vie si elle n’est pas traitée, de cette colonisation. Les séquelles sont gravissimes : psychotraumatismes de type II, syndrome d’échec, impulsions au suicide. L’effraction psychique causée par l’intention sadique sexuelle est en cela une violence très grave. Loin d’être reconnues et dénoncées, les séquelles qu’elle entraîne sont interprétées par les bourreaux comme des signes du plaisir que tirent les femmes à être traitées ainsi. La dynamique BDSM n’est qu’un miroir grossissant du processus de destruction mis en oeuvre par la classe dominante des hommes :

> l’effraction psychique provoque la confusion, l’amnésie, l’anesthésie. Associées à l’expérience de la toute-puissance de l’autre, elle cause une suggestibilité, une porosité face à la volonté de l’autre, que l’on retrouve, autrement intégrée à la personnalité, dans d’autres pathologies dissociatives graves, telles la schizophrénie. Or le dominant interprète ce phénomène morbide comme étant la preuve du « consentement sain et éclairé » de la femme qu’il soumet.
> la haine de soi, le dégoût de soi, l’impulsion voire la compulsion à se vouloir du mal (humiliation, douleur, etc.) sont des signes d’intériorisation de l’intention sadique. La victime intègre les intentions de celui qui veut la détruire comme si elles étaient ses élans intérieurs. C’est le signe d’une expropriation radicale de la subjectivité de la victime, une mort du sujet au plan de ses fonctions vitales (volonté, pouvoir d’agir sur soi, narcissisme primaire). Or le dominant traite cette séquelle grave comme une preuve du « masochisme » inhérent à la femme qu’il soumet. Il requalifie sa violence en interprétant les auto-destructeurs qu’elle consent sous son emprise comme autant de décisions d’une conscience éclairée. Il dénie le caractère stéréotypé de son sadisme (qui ne crée que des scénarios inégalitaires) en célébrant les « choix libres » de sa victime parmi une « multiplicité » de plaisirs sexuels possibles.
> La compulsion morbide à se détruire donne l’illusion d’une volonté propre ; si elle est volonté intérieure, elle est celle du suicidaire, qui se hait ou se reproche quelque chose. Cette volonté morbide se substitue à la volonté positif d’un sujet auto-centré et capable de s’aimer assez pour ne pas vouloir se détruire. Elle repose donc sur un fond d’angoisse. Cette angoisse peut provoquer des phénomènes physiques (tension, picottements, spasmes, sécrétion), qui, comme toute somatisation, se fait surtout à l’endroit même du traumatisme antérieur, à savoir ici la zone sexuelle. Or l’agresseur invoque ces symptômes pour prouver « l’excitation » et le « désir » de la femme qu’il soumet.

>  la honte est le signe que l’inversion de la culpabilité qu’a organisé l’agresseur a réussi. La victime est convaincue d’être responsable des violences. Elle en est certaine en dehors de tout raisonnement ou même conscience claire, contre toute preuve objective ou qualification de la loi. Pourquoi ? Car la honte est la conclusion de la « rationalité » de l’agresseur qui la colonise. L’agresseur, par ses actes et ses mots, profère des insultes, celles que diffuse en permanence la propagande patriarcale. Il martèle ainsi sa rationalité qui consiste en 5 points : isoler, terroriser, dévaloriser la victime, assurer son impunité en verrouillant le secret et en retournant la culpabilité  (cf. document
CFCV Stratégie de l’agresseur 1

La réputation de « masochisme » plaquée sur les femmes est donc un mensonge révoltant.  Par leur sadisme sexuel, les hommes font de nous des mort-vivantes, attachées à eux de manière traumatique [cf. Dee L. R. Graham, Loving to survive]. Ensuite, ils réécrivent l’histoire de leur conquête :  ils nous attribuent un élan positif (désir) là où ne restent que ruines d’un désir autonome. Ils rafinent leurs scénarios sadiques et nomment cela « libération sexuelle » ; si nous résistons à nous libérer par leurs méthodes, ils se font « initiateurs » et nous « guident » vers notre « saloperie intérieure » (script de base de la pornographie ; cf. aussi les conseils prodigués « entre femmes » pour rentrer en contact avec son « inner bitch » par Elvira G. Aletta ou Hilts, Werksman & Lawton, ou son « inner slut » par Annie Sprinkle). Non contents de nous saloper par leurs actes, ils nous salopent l’âme en nous attribuant une participation à leurs scénarios sadiques. Faut-il rappeler qu’ils ont le monopole de tous les moyens de construction de la sexualité normative (médias, publication savante, arts). Ils effacent leur intention sadique en nous accablant d’une moralité de « masochiste », capables de provoquer et jouir des violences qui nous sont infligées. Ils projettent ainsi leur culpabilité sur leurs victimes. Car leurs actes sont immoraux : au mieux – si la victime a été détruite en amont de la rencontre – ils profitent de ses séquelles traumatiques, pour tirer un plaisir sadique à la contempler s’autodétruire. Au pire, ils affichent, par l’indifférence, la froideur affective voire la passion sadique, leur volonté de nier et d’anéantir l’autre.

Le projet des sadiques : une fois piégées, nous enterrer dans la honte.

Wendy Delorme, une célèbre hardeuse, infiltrée dans les milieux féministes, invoque la « cage mentale » dans laquelle nos sexualités seraient enfermées : fantasmes de viol, violence, etc. Basic Cage of a Basic Instinct … Que propose-t-elle ? Non pas de nous en libérer … non, surtout pas, trop compliqué pour sa politique post-moderne du recyclage (recyclage des insultes, des slogans, des utopies). Elle propose seulement de nous libérer de la honte que nous aurions à en jouir. « Décomplexez-vous, ne vous sentez plus coupables ! » dit-elle a des millions d’hommes qui ne se sentaient nullement coupables à fantasmer de violer, et à des millions de femmes qui aimeraient que les hommes soient plus souvent jugés coupables des viols qu’ils fantasment et commettent. Elle invite donc à une surenchère de violence, elle donne un tour de clé au verrou sexiste qui mutile nos sexualités. Mais l’escalade de la violence à l’intérieur de la cage sexiste ne peut pas nous libérer : elle nous voue seulement à mourir plus vite dans la cage, épuisée par de nouvelles blessures, morte de honte aussi, de nous les être infligées nous-mêmes, soi-disant pour le plaisir.

Visionnaire du passé. Car son projet correspond trait pour trait à celui du patriarcat, largement dénoncé pas Andrea Dworkin, Catharine MacKinnon, et Sheila Jeffreys.

« [pourquoi en arrivons nous] à vouloir ce qui n’est pas dans notre intérêt ? Je crois que le désir sexuel des femmes, au moins dans cette culture, est construit socialement de telle sorte que nous en arrivons à souhaiter notre propre anéantissement. C’est à dire que notre soumission est érotisé comme féminine et féminité ; en fait, nous en retirons quelque plaisir, mais jamais autant que les hommes. C’est notre lot dans ce système qui n’est pas construit dans notre intérêt et qui nous tue. La féminité, telle qu’elle est élaborée et que nous la connaissons, est ce qui nous amène à désirer la domination masculine, et ce n’est absolument pas notre intérêt. Cette critique de la complicité […] n’est pas inspirée par une théorie individualiste. »

Catharine MACKINNON, Le féminisme Irréductible, p. 63.

La sexualité patriarcale devient de plus en plus sadique. La pornographie n’est que scénarios SM désormais. Par plaisir, nous détruire, de plaisir,  mourir … alors qui bénéficie réellement de notre plaisir ? Qui peut jouir de ce plaisir sans être ni détruite ni morte ? Ceux qui survivront psychiquement et physiquement à ce jeu de massacre. Les femmes, elles, n’ont plus qu’à courir pour échapper à leur reflet dans le miroir sans scrupules de la morale patriarcale, et jouer à la roulette russe des insultes libératrices : « bitch, je gagne, whore je perds« .

Que célèbrera l’histoire des vainqueurs face à nos cadavres dans leurs cages sexy ? Certainement pas notre résistance digne et jusqu’au-boutiste, notre irréductible espoir d’être un sujet, quitte à nous faire sujet de notre propre anéantissement programmé. Certainement pas un combat tellement inégalitaire que nous avons péri sous les bottes d’un occupant légal et légitime. Certainement pas une défaite si bien programmée, une violence si bien armée, que l’occupant est venu avec notre arrêt de mort à la main, et nous l’a fait signé, un sourire sadique aux lèvres. L’histoire n’y notera pas même notre suicide. Elle célèbre déjà notre sexualité indigne, qui appelle à la défaite et à la soumission. Ces sadiques sont prêts à profaner nos âmes après avoir organisé notre violation systématique : nos tombes elles-mêmes seront transformées en lit, nos bourreaux, en amants (on se rappelera l’une des conclusions de la Cour européenne face aux agresseurs sadiques qui ont pratiqué des actes de torture et de barbarie extrême sur la femme de l’un d’eux : « les prévenus étaient animés d’une « bonne » intention, en l’occurrence celle de procurer un plaisir sexuel » (§18) »). 

Insinuer la honte dans les êtres est le plus sûr moyen, mieux que les coups et la menace des coups, de mettre à terre les opprimées. N’oublions pas l’appel à mobilisation qu’a mille fois lancé Andrea Dworkin (chapitre 7, Andrea DWORKIN, Intercourse 1987 ) :

« Quand ceux qui vous dominent vous amènent a prendre l’initiative de votre propre destruction, alors vous avez perdu plus qu’aucun peuple opprimé n’a jamais pu se réapproprier […] quand le rapport sexuel existe et a lieu sous les conditions de contrainte, de peur ou d’inégalité, cela détruit chez les femmes la volonté de liberté politique, cela détruit l’amour de la liberté lui-même. Nous devenons des femmes : assiégées ; collaborant les unes contre les autres […]. Le plaisir de la soumission ne change pas et ne peut changer le fait, le prix, et l’indignité de l’infériorité »

..

Mon consentement ne flouera ni mon désir ni mon plaisir à me libérer !

Sadiques : vous célébrez « le plaisir », garant d’une « liberté sexuelle ». Un plaisir innoncent ?

Votre sadisme ? Détruire autrui pour se procurer du plaisir est un plaisir condamnable. Je le condamne sans appel ! C’est la quintescence de l’érotisme viril dont les hommes nous cernent sans cesse. C’est le script de la guerre la plus totale et déloyale qu’ils mènent contre nos corps et notre âme.

Votre passion pour la discipline ? Mettre au pas l’autre est condamnable : c’est du pouvoir. Mettre l’autre au pas de votre désir est condamnable : c’est du viol. Mettre l’autre au pas de votre désir sadique est condamnable : c’est de la torture.

Votre usage subtile de la contrainte ? La contrainte par bondage ou menottes ou en coinçant l’autre ou en tenant ses poignets : entraver les mouvements d’autrui et le contrôle de ses actes est punissable. Utiliser le bâillon vicie sans équivoque le consentement car la personne ne peut exprimer son refus. Agiter un fouet ou des insultes ou des menaces explicites (« Tu vas voir ce que tu vas prendre« ) est condamnable : il s’agit de viol par usage de la menace.

Nommer tout cela « jeu » et « scénario consensuel » n’est que recouvrir les faits par la version du violeur, pour lequel tout viol est un jeu, et tous ses désirs sadiques sont vécus comme consentis voire désirés par l’autre. Même cet a priori de consentement est une part du scénario sadique, car prêter à l’autre de désirer sa propre humiliation et destruction alimente le mépris qui excite le sadique.

Sadiques : bras bandé du patriarcat carnassier, allez prêcher votre plaisir ailleurs !

Votre plaisir sadique détruit toute solidarité car il tue tout amour entre femmes, tout amour des femmes d’elles-mêmes. Comment s’aimer en se voyant insultée, à terre, suppliant pour une punition de plus ? Comment aimer les autres femmes, comment aspirer à nous libérer, quand on jouit de voir une autre femme abdiquer toute volonté sinon celle de suivre l’ordre sadique ? Votre sadisme nous voue à l’enfer de la domination, car il l’érotise, l’établit comme la condition de notre libération et de notre amour de nous-mêmes. Votre sadisme abolit toute aspiration à l’utopie, car il nie l’humain, et le rempalce par deux chimères viriles : le sadique et la masochiste. Votre sadisme divise le monde en deux catégories : ceux qui règnent et celles qui abdiquent … que ce monde parfois soit carnaval, que celles qui abdiquent parfois règnent, n’ébranle en rien votre enfer binaire, au contraire, il le réaffirme comme légitime. Votre sadisme sabote la moindre révolution, car il tue toute aspiration à la liberté. Votre sadisme anéantit la sexualité elle-même : il tue jusqu’au plaisir du plaisir – vous nous y menez sous la menace et l’insulte, nous tremblons de nous y livrer, vous vous excitez à nous y guider. Votre sadisme sème la haine et la destruction, il apprend aux femmes à se désirer « à terre », à jouir d’être « s… », à se libérer en s’attachant et se ligotant, à éprouver leur corps dans la douleur, comme depuis des millénaires. Votre sadisme n’a rien de révolutionnaire : c’est celui des hommes qui nous vouent à la sexualité en nous promettant d’y être « déchirées » ou « prises » ou « baisées » ; c’est leur sadisme qui nous voue à une maternité transformée en un enfer de douleurs (pour cause de sous-nutrition, sur-exploitation, menaces et pressions) et de travail ; c’est par ce même sadisme qu’ils déversent la propagande pornographique, pour inscrire sur le marbre de notre massacre l’insulte : « Masochiste« , et ainsi effacer à jamais leur crime politique et pénal par lequel ils nous vouent à l’indignité absolue.

Ce sadisme rance nous a vu naître et nous verra disparaître tant que vos clones règneront sur nos sexualités !

Sadiques : retirez-vous de ma tête, de mes mots, de mon utopie !

Et pour commencer, retirez-vous de ce blog ! Il est dédié à l’amour des femmes : votre discours de haine n’y a pas sa place !

J’ai haï trop longtemps « la femme » – insulte patriarcle où j’ai été incarcérée à ma naissance – pour tolérer plus longtemps votre haine pour cette condition de naissance. J’ai ignoré trop longtemps la souffrance des femmes pour tolérer plus longtemps votre plaisir à nous voir souffrir. Mon corps et mon esprit ont été trop longtemps brimés, mutilés, par vos scénarios banalement misogynes (vous n’avez rien inventé depuis Sade, vous êtes aussi mainstream que la collection « Arlequin ») – je ne puis plus souffrir vos appels à la surenchère. Mon combat aujourd’hui auprès des femmes violées ne peut souffrir aucun compromis avec vos jeux de violeur ; or menace, surprise, contrainte et violence qualifient le viol au plan pénal, et ils sont l’essence même de vos « jeux » !

Révisez votre plan structurel d’ajustement des victimes, je ne suis plus une cible pour vos contrats immoraux !

Je n’aspire plus à l’anéantissement. Vous ne m’y ramènerai pas !

J’aspire à la vie pour mon peuple : vous ne me recruterez pas parmi vos « warrior » « du sexe » ! Vous ne me ferez pas marcher dans vos camps d’entraînement sexiste, à « assumer » tout de vos « choix » sadiques, à encaisser les humiliations en expirant : « Oui, Maître, encore, montrez-moi mes limites, consacrez-moi parmi les Braves !« .

Vous ne me ferez pas signer pour vos séances de torture : ma conscience désormais éclairée ne peut consentir à aucun de vos vices de consentement !

J’aspire à l’utopie sexuelle depuis que je l’ai entrevue dans les blessures et les espoirs d’une femme. Cette conscience encore troublée mais lumineuse me barre à jamais votre chemin sans horizon, résigné, qui mène au désespoir.

J’aspire à l’humanité, y compris dans nos simples gestes. J’aspire à vivre la banalité du bien, là où règne dans nos amours la banalité du mal sexiste. J’aspire à une certitude inébranlable, scellant la rencontre, certitude de partager avec autrui le bien absolu : être d’une seule et même humanité. Cette certitude partagée est la seule source d’un respect sans closes particulières, source d’une empathie sans détour par des identifications haineuses (sexistes, racistes, classistes et misopédiques), source d’un élan vers l’autre qui soit, dans un même geste, vrai retour à soi (et non aux figures de haine) et vraie construction de l’autre (et non dressage à l’indifférence, au masochisme ou au sadisme) … L’empathie basée sur la commensurabilité absolue de soi à l’autre, et de nous à l’humanité, est  l’ouvroir d’un désir révolutionnaire. Un désir porteur d’amour pour l’autre, qui ne naisse plus jamais sans l’autre ni à ses dépens ; un désir porteur d’amour pour nous-même, qui ne vise plus jamais notre propre anéantissement ; un désir toujours réciproque, un plaisir porteur du bien et non plus du mal, qui ne puisse plus exister sans celui de l’autre, qui ne puisse plus se réaliser au détriment de l’autre ou de tout autre. Finie l’excitation née de la surprise, l’insistance, la « conquête » et de la sidération, la résistance ou l’abondon de soi. Finie « l’initiative » voire « l’initiation », donc finis le « consentement » voire la soumission. J’appelle à la co-construction, instantanée et simultanée, d’un même désir d’être désirée, d’un même plaisir à voir ce désir en l’autre, d’un même plaisir à construire ce désir avec l’autre. Fini « l’amour vache », finie la « passion destructrice » qui rend « folle » ou nous fait « perdre pied », bref qui trouble notre conscience, et donc abolit notre jugement et notre lucidité. Finis les sentiments « impurs », mêlés de haine quand ils se disent amour, mêlés de mépris et de compulsion à souiller quand ils invoquent le respect. Finis les scénarios qui se jouent de nos oppressions et creusent nos blessures en prétendant les « dépasser ». A vouloir les dépasser ainsi, en les pilonnant jusqu’à l’expiration finale, vous nous trouez le corps. Nous sommes exsangues de toutes vos maltraitances : celles que vous nous infligez pas intérêt économique, par intérêt narcissique et aussi, donc, par pur plaisir. J’appelle donc à une sexualité libérée de votre protocole guerrier. J’appelle dès aujourd’hui à une sexualité semi-utopique, celle qui cicatrisera nos blessures en inventant des gestes et des mots qui ne blessent plus, elle effacera les traces de votre occupation en nous, elle nous rendra les forces que vous annihilez en nous, et nous vous ferons reculer aussi de nos vies.

J’aspire à toutes ces petites utopies, dans nos gestes quotidiens. Tout ce à quoi aspirent, en fait, les femmes pour s’opposer à la sexualité « technique » et dite « sans sentiments » (autre que la haine et le mépris) des hommes … tout ce que vous appelez méprisamment « amour », « purisme », pour imposer l’indifférence, la froideur affective et l’ambivalence d’un amour mêlé de haine, déjà célébrés par eux pour nous sadiser … Tout ce pur amour des femmes, cet humanisme, est désormais ma condition première pour un érotisme féministe.

Votre froideur sadique ne couve que haine et voeu d’anéantissement des femmes. Je lui oppose la joie retrouvée d’être de mon peuple, d’être encore en vie et d’encore aspirer à la liberté malgré vos désirs morbides.

Vous voulez briser tout élan vital dans nos désirs, nos plaisirs, nos rêves. Je m’y oppose. « Moi ». Je me mets juste à l’endroit où passe votre ligne qui prétend délimiter le monde des vivantes (libérées, jouissantes, épanouies dans vos pactes sordides) du monde des mortes (indésirables, sans fantaisie, sans plaisir, ruminant leur puritanisme). Je m’oppose à vous comme un contre-exemple absolu dans votre délire morbide. Car je suis morte de la vie que vous m’avez vendue, et je suis en vie d’une autre vie, celle que les femmes incarnent devant moi, survivant à votre univers mortel. Je vis d’une vie inexprimée – encore silencieuse non d’être « coincée » mais d’être niée par l’oppression qui vous excite tant. Je vis de désirs inexprimés – encore silencieux non d’être « censurés » mais d’avoir été niés, puis mutilés par votre sadisme. Je vis de plaisirs inexprimés – encore silencieux non d’être « inavouables » mais d’avoir été étouffés de vos mains. Je vis d’un autre sang que celui que vous avez coulé dans mes veines, Sadiques de tout temps, de tous âges, de tout regard, de tout geste posé sur moi, enfant, adolescente, femme, disparue, morte, puis exhumée pour être pendue encore aux branches fantômes de votre Histoire.

A votre plaisir sadique de faire crier les femmes, j’oppose le plaisir de trouver avec elles, pour elles, en elles, une voie digne de nous pour mettre fin à nos cris.

A votre plaisir sadique de voir supplier les femmes, j’oppose le plaisir de transformer, avec elles, grâce à elles, pour elles, nos supplications individuelles en revendications. Si vous persistez à sourire, nos grèves intérieures – ce silence qui vous fait tant délirer sur nos « consentements » à votre oppression – pourraient bien accoucher d’une insurection mondiale. Ne souriez-pas, messieurs, la force que j’ai vue briller dans les femmes que vous maltraitez, pourrait bien déchaîner la formidable violence que vous prêtez aux « sorcières » et autres « virago ».

Juchés sur nos corps, ayez au moins la décence d’effacer vos sourires sadiques ! Rengainez ! Partez loin de nous puisque vous nous haïssez. Allez nous haïr auprès d’hommes, vous verrez combien ils y prendront plaisir. Désertez nos vies puisque vous les haïssez ! Allez nous traiter de « s… », de « couchée » auprès d’hommes, allez élaborer vos fantasmes punitifs avec eux, vous verrez qu’ils ont une éternité d’avance sur vous. Votre voeu de mort et de destruction sadique ne passera sur mon corps qu’une fois réellement mort. Il frémit de trop d’utopies, de trop d’horizon, pour se contenter de vos vieilles lunes. Votre fatalisme me laisse de marbre, car j’ai rencontré des femmes, j’ai parlé avec elles. Je sais que vous mentez, et répéter votre mensonge des milliards de fois, dans les médias ou dans les lois, ne me le fera plus avaler : vous faites de la sexualité une arme de destruction massive, et vous nous traitez de « s… » pour que nous consentions à votre saloperie de plaisir. Puis vous nous dites « consentantes » quand nous cédons. Vous nous tuez l’âme deux fois : en nous extorquant un « oui », puis en le renommant « désir ». Enfin, vous nous traitez de « masochistes » pour blanchir toutes vos violences : diffamations, meurtres d’âme et viols. Je ne jouerai pas à ce jeu de dupes.

Gardez vos insultes. Je garde cette beauté, une éthique de l’opprimée, que j’ai vue chez les femmes que j’ai recontrées : celles qui ne savent pas ce qu’est la haine pour « l’autre sexe », surtout par amour, surtout pour rire, surtout pour le plaisir ; celles qui ne peuvent même pas imaginer que leur agresseur soit sadique, qu’il les détruise car il veut les détruire … elles préfèreraient plutôt imaginer qu’elles souffrent pour de faux ; celles qui sont si loin du mal qu’elles ne peuvent même pas en accuser celui qui les abat. Et je ne parle pas de quelques femmes. Je parle de presque toutes les femmes, y compris féministes, qui ne voient dans la méchanceté de l’ennemi que souffrance « cachée », brutalité « involontaire » ou inconscience. Cette éthique nous perdra car elle nous anesthésie, mais cette éthique est prodigieuse de fleurir sur une telle montagne de haine sexiste. Messieurs, vous êtes incapables de juger les femmes, car leur humanisme vous dépasse.

Sadiques, rangez votre ton sirupeux, vos mots, votre sourire d’hypnotiseur, ravalez votre mépris et votre haine sexiste,  ravalez votre voeu de m’anéantir : rempochez donc votre contrat, vous parlez à une femme ! J’ai déjà signé un tel contrat avec le monde qui m’a vue naître, c’est mon acte de naissance, je n’ai pas besoin de votre fac-similé : la haine sans nom, sans fin, m’a déjà élue. Prosélytes, passez votre chemin !

Abdiquez votre règne sadique. Rendez-nous nos mots, immédiatement !

Désir, liberté, autonomie, respect … tous ont un seul pilier : amour. Or vous les faites mariner dans l’indifférence du bourreau ou la haine du sadique.

Vous êtes indignes de nos utopies. Retirez-vous !

***

Quelques éléments bibliographiques.

Dans quelques mois, quand mes esprits et le temps me reviendront, j’écrirai un article sur le Sado-« masochisme », pour en dénonçer tout :

  • sa violence misogyne : ce n’est qu’érotisation de la haine des femmes !
  • sa violence patriarcale : c’est le pire des pactes pervers inventé depuis le mariage, créé par un violeur notoire, un tortionnaire : le marquis de Sade ! Qu’elle soit célébrée par des prétendues féministes (Gayle Rubin) me donne la nausée.
  • sa violence patriarcale dans sa phase néolibérale : c’est une émanation directe du contractualisme qui accorde au « OUI » de l’opprimée la valeur de sceau absolu de ses chaînes, alors qu’aucun de ses « NON » n’a jamais été entendu auparavant, et ne risque plus d’être entendu désormais !

En attendant, quelques éléments bibliographiques :

Andrea Dworkin Woman as Victim – Story of O

Audre Lorde Sadomasochism, not about condamnation

Melissa Farley Ten Lies About Sadomasochism

Susan Hawthorne, Ancient Hatred & its Contemporary Manifestation, the torture of Lesbians

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10 réponses à BDSM : not about consent, but about rape !

  1. Berenice dit :

    Tellement d’accord, je suis tombée sur un pervers (au sens moral, mais naturellement ça contamine tout de la pensé à la sexualité) que j’ai quitté rapidement avant qu’il ne soit trop tard et j’ai été sidérée (tétanisation de la capacité de penser, tellement c’est violent) par toute cette haine et sa volonté de m’annihiler qu’il appelait « jeux de la séduction »…
    Un grand amateur de Soral et Sade évidement! Aucun hasard
    Ils ne savent pas ce qu’est l’amour, ils sont incapable d’être heureux et ils vous haïssent de ne pas être ratée comme eux, alors ils veulent vous détruire car c’est la seule chose qui leur permet de se sentir bien, à défaut de pouvoir aimer et être heureux ils jouissent de vous anéantir et d’écraser toute ce qu’il y a de beau en vous car cela est une insulte insupportable à leur monstruosité.
    Le SM c’est répugnant et révoltant et en effet, c’est aussi subversif que la torture et le viol… C’est donc tout à fait consensuel et tragiquement banal

    • binKa dit :

      Merci Berenice pour ces paroles de raison, merci pour ce partage – combien d’entre nous ont croisé des « pervers au sens moral », les maniplateurs qui nous violent sous emprise … combien d’entre eux se sont engouffrés dans le SM pour asseoir encore plus leur violence ?

  2. Lora la Rate dit :

    « Ils traitent avec le plus grand mépris les « vanillas », car le mépris les excite, ça fait partie de leur scénario : »

    Exactement, ça fait partie du scénario: « good girls vs bad girls », « vanilla » contre « bdsm ».
    Un scénarion contradictoire, comme dans 1984, « La liberté, c’est l’esclavage! », et être une « bad girl » est recommandé.

    Sauf que noues refusons ces définitions, elles sont typiques du patriarcat. Noues voulons décoloniser nos vies, nos corps, nos fantasmes, loin d’une érotisation de la domination (bien réelle) qui n’existe que pour noues faire accepter et intégrer davantage cette domination. C’est une entreprise de démolition permanente que de rendre l’oppression « sexy ».

  3. A ginva dit :

    Le SM est la pire arnaque du siècle. Je le vois comme le recyclage et le renouveau de la torture sexualisée des femmes lors de la dénommée « chasse aux sorcières »: un génocide et une persécution sans nom d’une durée de 4 siècles. Les thèmes y sont très similaires, tout comme dans la pornographie:

    1.scénarisation, la focalisation méthodique sur des détails, la procession rituelle, l’ordre, le contrat, pour distraire de l’horreur des actes. Cette focalisation méthodique sur l’ordre se retrouve dans le génocide et la torture des juifs et autres minorités par les nazis. Ce que les historiens ne disent pas, est que tant la propagande (démonisation des juifs) que la forme de génocide est inspirée directement d’une pratique de quatre siècles d’élimination et de torture organisée des femmes, et dont l’Allemagne avait été le moteur.

    2. La punition des femmes par le viol+ torture pour un « crime sexuel »: celle d’être femme. Le sadisme des hommes envers les femmes vise à se purifier eux-mêmes des femmes, c’est à dire se purifier de l’existence des femmes, de leur capacité à reproduire que les hommes n’ont pas. Le sexe des femmes est visé comme une souillure, comme un crime, comme un pêché que les hommes doivent punir. L’existence-même des femmes est considérée comme criminelle et insultante, et par le sadisme, les hommes tentent de rétablir un « ordre juste », ils se décrètent comme « justiciers d’un ordre moral » qui est l’ordre nécrophile et meurtrier du père et du fils. L’acte suprême de punition et de conquête des femmes par les hommes qui est sans cesse ritualisé, scénarisé, est le coït.

  4. A ginva dit :

    Moi aussi j’ai été piégée par un sadique, il y a quelques années de cela. Dans la même veine que Sade, ils se présentent comme un maître initiatique / initiateur qui va nous faire découvrir ce qu’est la vraie sexualité, nous faire « explorer nos limites » et nous faire « découvrir notre vraie nature de sal… ». (Là encore ils se présentent comme des missionnaires colons qui nous sauveraient de l’indigence, de l’impureté).

    Il disait toujours « la vie est un jeu, il y a des winners et des losers ». Ceci est la vision patriarcale par excellence, où la vie entière se distingue entre les baiseurs (les hommes) et les baisées (les femmes). Lorsqu’il parlait des séances de sadisme, il le nommait « jeu ». « Est-ce que tu veux jouer ce soir ». Et les sadiques, il les nommait « joueurs ». Il disait « je vais te faire rencontrer un bon joueur ce soir ».

    Son objectif, comme les conjoints violents, était de repousser plus loin mes limites de tolérance à la violence, à l’humiliation et à la servitude. L’initiation était réellement l’initiation à subir la violence, il commença par de faibles doses, et une fois que j’y étais accoutumée, il « m’initiait » à une pratique plus sadique, perverse encore, et ainsi de suite. Cela pourrait aller jusqu’à la mort. Au départ j’étais toujours effrayée, dégoûtée, j’avais honte, mais il disait toujours « au début c’est normal, après tu verras, tu y prendras plaisir ». Puis il me félicitait toujours d’avoir bien exécuté ses ordres: moi qui me détestais, ces récompenses étaient efficaces sur moi pour accroître mon attachement traumatique.

    J’attendais de lui seulement amour, et il le savait, il savait que toute attention envers moi, même si celle-ci était purement sadique, suffirait à me mettre dans un état d’obligation et de redevabilité à lui, et que j’obéirais à tous ses ordres pervers tellement j’étais reconnaissante qu’on s’intéresse à moi.

    Merci pour votre réaction et votre souffle, c’est important ce réflexe de dire « allez-vous en, vous nous aurez pas »! « Nous nous aimons, vous nous détruirez pas ». Trop peu souvent nous réclamons ainsi leur retrait, et le fait de le conjurer donne de la force et de l’espoir, cela se matérialise un peu plus, cela devient réalité. Merci!!

    • binKa dit :

      Merci à vous A Ginva
      pour ce témoignage boulversant. Le « mauvais goût » qu’a ce jeu ressort avec une force troublante.

      Nous sommes en vie, ils ne peuvent que capituler, ils ne peuvent rien contre l’amour de nous-mêmes, leur entreprise de mort ne règne que sur les vides qu’ils nous font à l’intérieur (anesthésie, déréalisation, dépersonnalisation) et sur la misogynie qui nous hante (honte, dégoût et haine de nous-même).

      Mais ils ont commis une erreur : ils nous ont aussi transmis le goût de leur sang ; ils ne pourront plus nous tromper sur lui, ni l’effacer après leurs violences ni nous en injecter pour nous vampiriser ni en marquer d’autres victimes devant nous. Comme le dit Andrea Dworkin : n’oublions pas ce que nous savons, mettons-le au service des femmes, pour notre libération – déjà nous en sommes digne, nous devons aussi en avoir le courage !
      b.

  5. Laura dit :

    Encore une chose: Vous parlez régulièrement de « mépris » pour la victime, de situation dégradante. Certains adeptes du SM vous dirons à l’inverse que c’est la « victime » qui possède en réalité le contrôle: en effet, si le dominant la fait souffrir, c’est parce qu’elle l’a choisi, et parce qu’elle a spécifié les contours que prendraient la violence. Le dominant, lui, n’est qu’un simple « exécutant », il n’a pas voix au chapitre (sauf dérive, mais alors il ne s’agit plus de SM, mais de viol).

    • binKa dit :

      je ne voues censure mais n’ai pas le temps de répondre à tout.
      Je voues remercie au moins de développer vos arguments, bien souvent on n’a que des invectives …
      Cependant, je m’oppose à tout ce que voues dites.
      Ici par exemple, voues répétez une technique de base des pro-BDSM : le renversement. Stratégie de base des agresseurs sexistes (dont font partie les pro-sadisme sexuel) qui consiste à retourner la réalité en son exact contraire. Par exemple, projeter sur la victime les comportements de l’agresseur (retourner la culpabilité). Ou alors projeter sur la victime le pouvoir de l’agresseur (diaboliser la victime et exonérer l’agresseur), etc. Dire que la « soumise » a le pouvoir sur celui qui la domine relève du pur renversement. Quand on a un bâillon dans la bouche on ne peut pas dire Non. Quand on a les mains ficelées, on ne peut pas se dégager. Quand on accepte la hiérarchie du sadique, on ne peut pas en même temps en contester le pouvoir sur soi. L’abus fait partie des règles du jeu. Quand on est insultée, on est insultée, il n’y a pas de maîtrise possible de la violence contenue dans les mots sadiques, on encaisse, qu’on l’ai voulu ou non. Et le principe du SM ce n’est pas que la « soumise » commande, c’est qu’elle dépasse ses limites, en fait ses résistances (dégoût, peur) à la violence. Le sadique est là en rôle d’initiateur et pas du tout en exécutant.

      Pour moi le BDSM hétéro n’a même pas à être discuté. Il est pur sadisme viril : dans un contexte d’inégalités sociales, jouer à dominer une femme est hyper-destructeur, et la faire jouer une rôle de domina, c’est totalement manipulateur, c’est lui offrir une libération de carnaval.

      Le SM lesbien est le seul qui mérite analyse, car il y a là un enjeu de backlash souvent invisible aux yeux des lesbiennes.
      à lire l’excellent article :
      http://radicalhubarchives.wordpress.com/2012/10/16/lesbian-bdsm-part-3-bdsm-and-the-prevention-of-revolution/
      b.

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