1 – La déviance comme paradigme ou comment les femmes violées sont des fumeuses de marijuana.
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avertissement : en exergue, une réponse typique que reçoivent les féministes dès qu’elles dénoncent les stratégies de promotion de la prostitution : auto-victimisation, menaces et judiciarisation des « débats ». Stratégies masculinistes, que l’on retrouve aussi dans la luttes des « pères » pour leurs droits de propriété sur femme et enfants …
Je pense que ce commentaire sera surement supprimé par les modératrices, mais il fait office d’avertissement : les citations nominatives d’associations dans ce textes, suivies de diffamations calomnieuses, ne resterons pas sans suite. nous ferons valoir ce que de droit suite à ces citations et diffamations.
M. C. D. L.
Vu les moyens alloués au harcèlement des féministes et les avocats dont sont dotés certains « minoritaires » (peu nombreux mais majoritaires du point de vue des intérêts défendus) … je vous laisse trouver par vous-mêmes les pro-sexe dont je parle (ils sont très reconnaissables).
pour info : Non à la censure exercée par des groupes qui soutiennent l’exploitation sexuelle !
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Des salons universitaires (…. ) au terrain (….), les auto-proclamés « pro-sexe » aiment à se définir comme « freaks », « queers », et parlent plus souvent de répression policière que d’oppression. Pourquoi ? En outre, ils se placent sur le plan moraliste pour contrer les abolitionnistes : selon eux, « les gens » sont « choqués », ont des « préjugés » sur les « anormaux », les lois nationales aussi bien que les positions féministes sont « moralisatrices », il existe une « hypocrisie » sociale face aux personnes « immorales ». Pourquoi ? Ils interdisent à quiconque de « juger » dès qu’il s’agit de prostitution : ce serait « stigmatiser » des femmes, donc ce serait sexiste ; ce serait se sentir supérieure à elles, au prétexte qu’elles auraient fait un « choix » moins « digne ». Pourquoi profèrent-ils cet interdit de « juger » « la prostitution » ? Autre travers : ils font beaucoup plus de psychologie que de sociologie, et de la très mauvaise psychologie : par exemple, l’aliénation serait une forme d’inconscience ou de naïveté, une faiblesse de l’esprit qui caractérise les « faibles », les « soumises », bref en un mot dans leur échelle de valeurs moralistes : les « victimes ». Ils l’opposent au « sujet », en fait le « winner » néolibéral qui calcule rationnellement ses options, détermine ses choix en fonction de ses intérêts objectifs, et marche debout, la conscience éclairée comme un organe de perception. Ils font aussi de la mauvaise sociologie : ils appliquent ce qu’ils pensent être la psychologie des individus (mais comprise du point de vue dominant) à l’analyse de l’espace social. Par exemple : une femme prostituée « se sent en contrôle » quand elle « gère » un client agressif ou connaît toutes les contorsions pour éviter les lésions ? Alors la prostitution est « empowerment ». Un client-prostitueur ne se vit pas comme dominant ? Alors la domination n’est pas une caractéristique de la prostitution. Autre curiosité : durant les diversions … heu les débats proposés par les pro-prostitution, les violences vécues par les femmes prostituées sont toutes expliquées par le « stigmate ». La stigmatisation populaire, la stigmatisation étatique et policière, la stigmatisation par les féministe …. le stigmate de « pute » les préoccupe plus que les meurtres et les viols commis par et pour le système proxénète ; de plus, l’expansion mondiale de cette industrie de haine sexiste s’expliquerait mieux par une idée que par des intérêts matériels (domination économique et sexuelle)….
Je me suis longtemps demandé comment un stigmate pouvait, à leurs yeux, expliquer la violence inouïe du système prostitutionnel. Négationnisme, idéalisme ? Les deux … mais surtout un cadre d’analyse, issu de la sociologie de la déviance.
Comme le montre le livre pro-prostitution de Stéphanie Pryen, Stigmate et métier (1999), le cadre emprunte beaucoup à la sociologie de Howard Becker. Selon lui, c’est la nomination sociale, la désignation publique, qui crée le « problème » déviant, et cette stigmatisation, en affectant l’estime de soi de la personne, explique sa « carrière de déviant ». Ainsi, il y aurait deux étapes cruciales dans cette « carrière » : 1) transgression de la norme. 2) stigmatisation. La stigmatisation peut se faire de manière formelle (application de la loi par exemple) ou de manière informelle (rejet du groupe d’appartenance, réprimande, sarcasmes, etc.). Cette stigmatisation expliquerait un engrenage : c’est en quelque sorte une prédiction auto réalisatrice, car « la manière dont on traite les déviants équivaut à leur refuser les moyens ordinaires d’accomplir les activités routinières de leur vie quotidienne. En raison de ce refus, le déviant doit mettre en ouvre des pratiques routinières illégitimes ». De fait, cela mène le sujet stigmatisé à adhérer à un groupe déviant, ce qui consolide la déviance. En effet, les groupes déviants élaborent des rationalisations dans le but de légitimer l’identité déviante, et penser positivement sa « différence ». Puis ils créent une sub-culture déviante.
Je me suis rendue compte que certains éléments de la théorie de Becker correspondaient trait pour trait aux arguments idéalistes des promoteurs de la prostitution. Pourtant il y a quelques problèmes à appliquer cette « théorie de l’étiquetage » à la prostitution.
# Becker lui-même a précisé que sa théorie n’explique pas tout le phénomène de la déviance. Or les pro-prostitution explique tout : les violences policières, les brutalités proxénètes, le sadisme des clients, la paupérisation des femmes, leur stress pot-traumatique …. tout, par le stigmate.
# Cette théorie traite sur un même plan la stigmatisation formelle (application de la loi) et la stigmatisation informelle (sarcasmes, regards, exclusion de groupes). Elle est donc d’une part dépolitisée et d’autre part idéaliste.
> Dépolitisée, elle alimente le cynisme propre aux capitalistes [Becker a été formé à l’Ecole de Chicago] et aux masculinistes. En effet, cette théorie déplace voire nie la limite entre ce qui est jugé licite et illicte par une société : ici sont assimilés illégalité (= jugement légal) et « immoralité » (= jugement populaire). Illégal ou choquant, tout est « déviant ». Condamnation pénale ou condamnation morale, tout est stigmatisation. Et, comme tel, tout devient terrain de jeux potentiel des « freaks », matière à construire une sub-culture « minoritaire », « subversive ». Mais problème. Ces deux condamnations ne se superposent pas. La violence conjugale, caricaturée dans l’image de la « bête » déchaînée contre une faible « soumise », est réprouvée en paroles mais presque jamais sanctionnée pénalement. Confondre les deux amène à surestimer grandement la protection dont bénéficient les femmes, et à ignorer totalement l’organisation systémique de ces violences. A l’inverse l’exhibitionnisme, réprouvé moralement est aussi virtuellement condamnable pénalement (dans les faits, il ne l’est jamais). Ne pas distinguer les deux, c’est vouloir ignorer la différence de principe qui motive ces deux jugements : d’une part, le rejet de « la sexualité » « individuelle » de l’agresseur (paradigme classique de la police des moeurs), et d’autre part, la sanction d’un acte qui porte préjudice à la victime (paradigme contemporain, ayant émergé avec la notion de droits humains dans les années 50). Ceci mène les « pro-sexe » à nier les préjudices subis par les femmes au nom de ce que les hommes nomment « sexualité ». Identifiés à l’agresseur qui y voit du sexe, ils expliquent les réactions des victimes par la « stigmatisation » de la sexualité par les puritains, une honte sociale nommée « sacralisation du sexe ». Or ceux qui s’exhibent, matent ou touchent, ont l’intention d’humilier et leur acte est sadique. Leur excitation est sadique, nullement « autistique ». Les victimes perçoivent parfaitement cette intention : dans ses yeux vides et perçants, elles voient son projet d’anéantissement, de mort psychique. D’où leur peur de mourir, même dans une situation où « objectivement » il n’y avait pas de risque. Percevoir une telle déshumanisation dans le regard d’autrui est un facteur majeur de stress post-traumatique.
De fait, dans leur lutte contre la « stigmatisation », les « pro-sexe » entretiennent ces confusions. Par exemple, ils associent la lutte pour dépénaliser l’homosexualité à la lutte pour dépénaliser la pédocriminalité (dite pédophilie), la menace de viol (dit exhibitionnisme), le sadisme sexuel (dit SM), le viol tarifé (dit prostitution) ou la chosification (dit voyeurisme). Ainsi, Gayle Rubin pourfend « la condamnation générale de toute relation sexuelle adulte-enfant » (2010 : 91 et suiv.). Son groupe « Samois » fait référence à l’un des monuments de la littérature sadique, Histoire d’O. Michel Foucault a écrit une post-face lénifiante et exaltée à un livre d’une violence inouïe : « Ma vie secrète ». Il avoue ainsi que, pour lui, l’exhibitionnisme, le harcèlement, l’agression et le viol, par personne ayant autorité et avec usage de la violence, sont de l’érotisme. Cette autobiographie écrite par un violeur en série (comme Sade) est une référence principale dans son Histoire de la sexualité. Les « sexualités périphériques » qu’il y définit sont donc décrites du point de vue de l’agresseur. Loin d’endosser la responsabilité de la violence sexiste qu’ils promeuvent, les « pro-sexe » accusent toute féministe anti-SM ou anti-prostitution de faire reculer les droits des « minorités sexuelles ». Mais le procédé est grossier … l’homosexualité est « stigmatisée » au sens de mal jugée (préjugés populaires), elle doit donc être « déstigmatisée », au sens de réhabilitée. Mais l’exhibitionnisme ou la pédocriminalité, eux, sont « stgimatisés » au sens d’être illégaux. « Destigmatiser » ces actes vise à les rendre légitimes et licites, « normatifs » (ce qu’ils sont déjà d’un point de vue statistique). Or ils ne sont « sexualité » que du point de vue des agresseurs. Du point de vue des victimes, ce sont des violences qui traumatisent durablement. Que cela fasse jouir les exhibitionnistes et les prostitueurs ne peut justifier que l’on y voit des formes de sexualité. De plus, ce sont des agressions politiques car ce sont les femmes et les enfants qui sont les premières cibles et les hommes les coupables.
> Cette théorie de l’étiquetage appliquée à la prostitution est aussi idéaliste. Dans ce monde idéel qui crée le système prostitueur (là encore, c’est un point de vue dominant), une sanction légale vaut un regard mal placé ; l’exclusion d’une manifestation vaut l’exclusion sociale organisée par une clique d’hommes (persécution sexuelle et violences économiques par les clients-prostitueurs et les proxénètes + persécution sexiste et nationaliste par la police). Si loi et sarcasmes se valent, on comprend mieux certaines diffamations. De nombreux pro-prostitution accusent les féministes abolitionnistes d’avoir, sur les femmes prostituées, le même pouvoir qu’ont la police, l’état ou les clients-prostitueurs. Que dire des slogans aberrants comme : « pénalisation du client = violence faites aux femmes prostituées » ? Ou des appels à légaliser le proxénétisme pour faire progresser les droits des femmes prostituées ? On peut dire qu’ils sont logiques. Si toute répression sociale n’est que stigmate, alors les sanctions pénales encourues par les proxénètes (rarement effectives) valent les sanctions (symboliques, économiques et sexuelles, très réelles) subies par les femmes prostituées. On notera que, comme d’habitude, les coupables et les victimes sont mis sur un même plan éthique et politique. Les pro-prostitution défendent donc de manière indissociable les femmes prostituées contre leur « stigmatisation » (la persécution sexiste) et les proxénètes contre leur « stigmatisation » (les sanctions pénales d’un droit patriarcal). En effet, les lois sur le proxénétisme sont une des raisons principales de leurs mobilisations.
=> De fait, le grigri du « stigmate » et l’idée de persécution des « déviants » ont un pouvoir magique sur les débats. Instantanément, deux phénomènes, pourtant diamétralement opposés, deviennent équivalents, aux plans éthique et politique : 1) la violence proxénète (viols, meurtres, déportation, menaces de mort et de viol) & la violence sexuelle virile (exhibitionnisme, pédocriminalité, voyeurisme, sadisme, viol tarifé). 2) la violence subie par les femmes prostituées, persécutées en tant que « femme » + en tant que « femme-cible ». Toutes sont une sub-culture déviante provoquée par la stigmatisation. Sur le même plan éthique et politique, il y a aussi la « persécution » pénale subie par les proxénètes, qui serait une stigmatisation de plus.
# Enfin et surtout. Becker a élaboré sa théorie à partir de deux groupes étudiés : les fumeurs de marijuana & les chanteurs de danse.
Ici « l’acte transgressif », première étape de la carrière de déviant, est un acte motivé par le plaisir, de plus, il est impulsé par la personne. Effectivement, ça correspond à la position des client-prostitueurs et des proxénètes. Mais comment oser prétendre que la prostitution est un acte motivé par le plaisir pour les femmes ? Comment prétendre que dans un système tenu à 80% par des proxénète, dans lequel la « carrière » débute en moyenne à 14 ans, cet acte est impulsé par la femme prostituée ?
Mieux. Revenons sur le premier acte transgressif, celui qui abat sur soi l’ombre du stigmate, et poussera la personne à construire son identité à travers lui. Le stigmate de « pute » : quand s’abat-il sur les femmes ? Quand elles deviennent accrocs au sexe ? Quand elles agissent par plaisir ? Non, il ne s’abat pas en raison du comportement d’une femme, il s’abat en raison de son existence : c’est son être qui est visé, pas ce qu’elle fait. Elle est « pute » car elle est femme. C’est un nom d’être, l’insulte par excellence, qui ne peut désigner une catégorie sociale autre que « femme » et peut désigner toute femme. Aucune vie « rangée » ne nous préserve de ce « stigmate ». Mieux. Une femme ne rencontre pas ce stigmate dans une situation de plaisir. Elle est traitée de « pute » par l’homme qui l’a agressée, car il veut qu’elle se soumette ou car il veut qu’elle se taise. Combien de femmes ont été traitées de « pute » quand elles esquivaient le harcèlement de monsieur ? Combien de fillettes et d’adolescentes violées ont été accusées d’être des « putes », des « allumeuses », pour avoir voulu dénoncer leur agresseur ? Combien de femmes ayant porté leur souffrance jusqu’au procès, ce sont vues traitées de « pute » quand elles ont demandé des dommages et intérêts ? En retour, combien de fillettes violées par leur père ou oncle ont été couvertes de cadeaux ? Stratégie de l’agresseur qui alterne violence et gratification. Certes. Mais cette ambivalence instaure chez l’enfant une équation terrible : être reconnue et/ou aimée <=> être violée <=> être payée. De plus, elle empêche la plupart des témoins de reconnaître la violence exercée contre l’enfant : en effet, ces cadeaux sont vus comme une circonstance atténuante et non comme une contrainte. Certaines femmes violées dans le cadre professionnel sont « payées » par une « promotion ». Loin d’être un cadeau, c’est une stratégie de l’agresseur : il les place sous un contrôle plus direct (hiérarchie professionnelle) et instaure un pacte de silence. De plus, cette promotion était souvent due, mais l’agresseur a exercé un chantage – comme les douaniers ou les agents administratifs dans les pays dictatoriaux, les violeurs font repayer à la victime ce qu’elle aurait dû obtenir de droit. Or selon l’agresseur, l’avantage matériel efface le crime. Malheureusement, cette vision est partagée par tous les complices muets (combien parleront de « promotion canapé » dans cette situation ? L’association Cabiria le fait par exemple). Dans ces deux exemples, l’agresseur a effacé un viol par le paiement. Là encore, le stigmate de « pute » plane sur les victimes.
> Le stigmate de « pute » ne vient pas aux femmes quand elles ont une sexualité de plaisir : il leur vient quand les hommes, pour avoir une sexualité de plaisir, les agressent ou les violent. Il leur vient aussi quand les violeurs tentent d’effacer toute trace de leur crime.
=> En conséquence de quoi, cette théorie de l’étiquetage ne peut être appliquée à la prostitution. Sinon à changer la définition même de l’acte prostitutionnel : il n’est pas sexualité de plaisir mais viol. Et là on comprend comment des femmes, assignées au stigmate de « pute » quand elles ont été agressées ou violées, s’enfoncent dans un système où « pute » = violée …. mais payée. On comprend aussi pourquoi clients-prostitueurs et proxénètes veulent qualifier la prostitution de « travail » ou de « commerce » : si madame est rétribuée contre son viol, alors ce n’en est plus un, c’est du « donnant-donnant ». Tout est légal, tout est équitable. De même, on comprend pourquoi des hommes traitent de « pute » la femme qu’ils violent ou veulent violer : si elle est à vendre comme une « prostituée », alors son viol n’est plus un crime.
Le stigmate de « pute » (le seul qui existe dans la prostitution) ne sert qu’à une chose : organiser le viol en amont et assurer l’impunité des violeurs en aval, dans le système prostitueur et en dehors de lui. Dans ce contexte, l’obstination de certains groupuscules « pro-sexe » à imposer aux femmes prostituées de s’auto-nommer « pute » est très inquiétante.
2- « Toutes les femmes sont des putes ».
D’un côté, les pro-prostitution insultent les femmes prostituées en interdisant à quiconque de penser que « pute » est une insulte. Méthode typique de manipulation mentale : l’agression (insulter) alterne avec l’interdit de se sentir blessée (anesthésier) ou de penser l’évidence, d’exercer son bon sens (sidérer). Paralyser la critique par le paradoxe permanent. Déréaliser aussi les violences qu’ils ne peuvent dénier. Ainsi, ils prétendent que la violence majeure est symbolique : c’est une violence en idée seulement, une fausse représentation « dans la tête » « des gens ». Il suffirait de « l’assumer » pour qu’il ne « blesse » plus (pour une critique de cet idéalisme, cf. Take Back our Walk, 2011).
De l’autre côté, ils affirment que la prostitution est banale entre hommes et femmes. Selon eux, « toutes les femmes se prostituent », « gratuitement » ajoutent-ils. Ah bon ? Oui, oui : le bouquet de fleur, le resto payé, la femme mariée « entretenue » (oui, oui, les pro-prostitution sont persuadés que la femme est entretenue par le conjoint !) … tout cela est des « rétributions » pour « service sexuel » fourni ou à fournir. Les femmes en couple « coucheraient pour des ressources », comme les femmes prostituées : la seule différence seraient le nombre de « partenaires » et la forme de la rétribution. Un simple « échange économico-sexuel », selon l’expression qu’ils ont volée à Paola Tabet pour la retourner contre les féministes et les femmes. Donnant-donnant, gagnant-gagnante. Pas d’arnaque (contrairement à ce qu’analyse Paola Tabet, 1998 & 2004). Juste un « arrangement » économico-sexuel.
Mais tout cela est faux en plus d’être insultant. Pure mystification de notre oppression. En effet, où sont passés la violence, la contrainte et le viol là-dedans ? Disparus. Disparu le vol des ressources, le monopole du pouvoir et des propriétés organisés par la classe masculine. Disparues les violences sexuelles (exhibitionnisme, attouchement, harcèlement, menace de viol, agression, viol) … or elles s’abattent sur presque toutes les femmes, dès l’enfance. Or l’inégalité, le chantage aux ressources (argent, logement), alterné avec les violences sexuelles, permet d’arracher le consentement en toute impunité. Disparue l’inégalité car les pro-prostitution dénient la contrainte qui pèse sur toutes les femmes et occultent les bénéfices qu’en tirent les hommes. A la place, ils brossent le tableau d’un idéal « marché » au mariage ou à la prostitution où tout se « négocie » entre partenaires. Ici, l’extorsion devient une « transaction sexuelle » où chaque « partenaire » y trouve « son compte ».
Un exemple, le bouquet de fleur, que scelle-t-il ? « Transaction » libre ou manipulation et chantage viril ? Combien de femmes ont reçu ce fameux bouquet de fleur après une agression de la part du conjoint (verbale, morale, sexuelle ou physique) ? Combien de femmes l’ont accepté en se sentant redevables. Comment ignorer qu’il nous rend moins libres de ne pas céder sur nos refus ou notre désir ? Désir, pas consentement. Les femmes sous contrainte consentent : répondent « oui » à ce que veut l’autre … mais les femmes libres désirent : veulent positivement quelque chose. Consentir n’est pas désirer. C’est raisonnablement vouloir et non ressentir un élan. D’autant moins dans un contexte d’inégalité car alors consentir est vouloir ce l’autre veut. En effet, seuls les hommes définissent ce qu’est la sexualité, via leurs organes de propagande (manuels d’éducation, pornographie, médias, magazines féminins et masculins – tous tenus par quelques hommes oligarches) et via leurs pratiques de violence (prostitution, mariage, droit de cuissage). Dans ce contexte, consentir est accepter la subordination (jouir « comme une chienne », désirer « comme une salope », accepter un bouquet « comme une vendue », séduire comme une « garce » ou une « chaude »). Enfin, consentir, c’est être « raisonnable », accepter ce qui seul existe, et renoncer à ses désirs de rêveuse (un homme soucieux de nous, qui pourrait, en même temps, nous désirer et nous considérer comme un alter ego, un ami, avec respect, empathie et solidarité). C’est donc évaluer toutes les « bonnes raisons » que l’on a d’accepter. Et les « bonnes raisons » ne correspondent qu’accidentellement au désir sexuel de la femme : c’est une « bonne raison » de ne pas vouloir, juste pour ce soir, dormir dans son 12 mètres pas chauffé d’étudiante, de préférer avoir la paix, éviter sa mauvaise humeur, lui faire plaisir …
En fait, d’où vient cette vision du chantage aux ressources comme une « transaction » calculée de part et d’autre ? D’où vient ce cynisme ? D’où vient l’idée que les femmes calculent leur bénéfices et saisissent les opportunités que leur offrent les relations avec les hommes ? Comme d’habitude avec les pro-sexe, cela vient des hommes. En effet, combien d’hommes voient les femmes comme des profiteuses ? Mieux. Combien pensent que les femmes se prostituent auprès d’eux ? Combien utilisent le « cadeau » comme une monnaie d’échange ? Une monnaie de singe pour se faire pardonner un adultère, obtenir un accès sexuel à une femme jugée « achetable », endormir sa conscience. Et que prétendent-ils dire par ce bouquet ? « Je t’aime », « voici un vrai cadeau, généreux », « je t’apprécie ». Double discours, un seul but : la grande arnaque. Dès lors, où est « l’accord » éclairé entre deux partenaires mus par un intérêt égal ici ? On assiste bien plutôt à la rencontre entre manipulation et choix « raisonnable » non éclairé. L’homme qui « investit » dans un bouquet de fleurs spécule sur la « naïveté » ou l’indignité de la partenaire ; calcul parfois associé à la gratitude ou la fascination de trouver en elle la « femme parfaite » pour ce rôle – jubilation souvent prise pour de l’amour. De l’autre, la femme se contorsionne pour éviter les voies contradictoires mais obligatoires qui la mènent à l’indignité : « pute », « fille facile », « fille à vendre », « cruche », « coincée », etc.
Dernier mensonge. Les femmes en couple « couchent-elles pour des ressources » ? En bref, sont-elles rétribuées dans les relations qu’elles entretiennent avec les hommes ? NON ! Ces relations sont caractérisées par l’inégalité, l’oppression : cela veut dire que non seulement, elles ne sont pas rétribuées, mais, mieux, elles sont volées par les hommes. Les corvées ménagères : du vol. Le soin aux enfants : du vol. La charge matérielle des personnes dépendantes et du mari : du vol. Le sous-emploi : du vol. Le sur-chômage : du vol. L’inégalité salariale : du vol. La ségrégation verticale et horizontale sur le marché du travail : du vol. Les écarts vertigineux de retraite : du vol. Dire que les femmes sont rétribuées dans les relations avec les hommes est le plus gros mensonge diffusé par les bénéficiares du vol, les hommes, en couple et/ou travailleurs.
En résumé : les pro-prostitution traitent toutes les femmes de « putes », les ravalant à des rentières ou des commerciales gérant leur capital-sexe. L’insulte sidère et interdit de penser. Mais les pro-prostitution ne s’arrêtent pas là. Ils bloquent la pensée par des interdits moraux. Selon eux, il est interdit de penser que « pute » est une insulte, ce serait insultant pour les « vraies putes ». Il est interdit de « juger » la prostitution, ce serait méprisant pour celles qui l’ont choisi. Bizarre : pourquoi les pro-prostitution 1) focalisent sur les femmes, 2) interdisent de juger tout le système ?
Bizarre … moi, spontanément, je « juge » les clients-prostitueurs et les proxénètes. Un jugement citoyen et non moraliste. Je juge les hommes qui imposent par leur argent à des femmes des actes sexuels qu’elles ne désirent pas. D’un point de vue féministe, c’est du viol. D’un point de médico-légal, c’est une violence : les pénétrations répétées, l’absence de dilatation des orifices (car la femme n’est désirante) occasionnent des lésions et des déchirures. Subir des intrusions physiques sans l’avoir désiré cause un stress post-traumatique dont toutes les femmes témoignent. Sans compter que les hommes sont excités au sadisme par la pornographie (qui conditionnent leur sexualité dès l’âge de 10 ans, selon les statistiques ministérielles) : la brutalité des actes sont traumatisantes, physiquement et psychiquement. Je juge donc très durement ces hommes. Et je refuse tout discours qui protègerait ces hommes, car rien ne les oblige à se comporter ainsi, sinon le sadisme et l’égocentrisme, éléments que l’on retrouve chez tous les violeurs. Je juge les proxénètes car ils sont illégaux en France. Je juge aussi ces hommes car ils dressent des femmes au viol tarifé, par la menace et l’agression, le mépris et l’utilisation totale. Je les juge car ils font de leur violence un métier. Je les juge aussi car leur choix est inacceptable : ils préfèrent « prendre le risque » que leur éemployée » soit violée, battue, violée » plutôt que prendre un risque commercial. Sans compter qu’ils ont choisi de gagner des fortunes ainsi plutôt qu’être caissier ou ouvrier. Les pro-prostitution ne parlent jamais de la liberté de choix des proxénètes car leur choix ne pose aucun problème dans la rationalité virile : tout bénèf, pour pas cher, sans baisser son froc.
Les pro-prostitution préfèrent focaliser sur les femmes. D’abord pour stopper net les féministes : juger la prostitution, c’est juger des femmes, donc c’est être sexiste, aucune féministe ne peut « condamner la prostitution », et tout soutien au système est féministe. Voici une méthode typique : inverser la culpabilité, la déplacer loin des complices des agresseurs, sur les personnes solidaires de la victime. Ensuite, car c’est logique dans leur système explicatif de l’acteur social : s’il faut blâmer quelqu’un dans la prostitution, c’est les « actrices principales », les seules « volontaires » qui « choisissent » d’y être. Les clients-prostitueurs, eux, ne semblent faire aucun « choix », ils sont simplement « là ». Parfois, ils sont malheureux car d’autres femmes ne leur laissent pas le choix – la conjointe qui refuse certains « actes sexuels » (oui, oui, le mythe de la femme coincée et frigide sans raison est tenace chez les pro-prostitution). Les proxénètes, eux, ne sont jamais interrogés sur leurs « choix » qui est toujours inacceptable (au moins délinquant, le plus souvent criminel).
=> Ces procédés rhétoriques (insulte + déréalisation + effacement des vrais agents du système prostitueur) poursuivent un but limpide : suspendre le jugement éthique, politique (et pénal) sur tout le système, au prétexte fallacieux de « déstigmatiser » les femmes victimes du système.
3 – Les prostitueurs, les grands absents du débat.
Une fois que victimes et bourreaux sont dans le même sac, il suffit d’escamoter rapidement les profiteurs de l’affaire pour définitivement protéger les hommes. En effet, dans les discours pro-prostitution, on n’entend parler que de la femme prostituée : ses choix, ses non-choix, sa liberté sexuelle, ses gains astonomiques, etc. Par contre le choix du client prostitueur à imposer par son argent des actes qu’il sait indésirables ? Pas un mot. Le choix du proxénète entre caissier et dresseur de femmes à violer ? Pas un mot. Mieux. Les accusations pleuvent sur les féministes abolitionnistes : puritaines, catho, suppôt de l’état …. il paraîtrait que nous sommes la première cause mortalité des femmes prostituées ! Comment en arrive-t-on là ? En défendant la cause des hommes, clients et proxo.
De fait, les … , …. et autres activistes masculinistes pourfendent la loi sur la pénalisation du client et réclament plus de libertés pour les proxénètes. En parallèle, ils focalisent l’attention des féministes sur des ennemis communs, pour occulter nos ennemis qui sont leurs amis. Ainsi, pour eux, le système répressif n’implique que deux protagonistes (parfois 3 si on compte les féministes) :
– le policier
– l’état (qui est prohibitionniste mais est assimilé aux abolitionnistes).
, tous deux analysés d’un point de vue anti-capitaliste mais jamais anti-sexiste (alors qu’il existe une réelle communauté d’intérêt entre l’état, la police, les clients et proxénètes : à savoir, l’exploitation et la destruction des femmes).
=> Rien sur les clients-prostitueurs ni les proxénètes quand il s’agit de dénoncer la répression que vivent les femmes prostituées. Pourquoi ? car dans l’affaire, « clients » et « patrons » ne sont que des « partenaires économiques » , avec lesquels tout est négociable, même le respect (cf. les guides du respect produits par … & …. !).
Voilà pourquoi je mets en ligne un certains nombre d’enquêtes et de compten rendus d’enquêtes sur ces grandes mains invisibles qui tiennent l’insutrie dite « du sexe ».
O’Connell Davidson, Julia. 2001. L’exploiteur sexuel
Clients Prostitueurs – des stéréotypes persistants, 2009
Clients, une nouvelle étude à Londres, 2010
Une enquête sans précédent aux USA – qui sont les proxénètes, 2010
Legardinier, Les motivations des prostitueurs, 2009
Combien d’hommes prostitueurs, Legardinier, 2009
Bridget Anderson & Julia O’Connell Davidson, Trafficking – a demand led problem, 2002
Legardinier & Bouamama, L’homme en question, le processus du devenir-client de la prostitution, 2004
Legardinier & Bouamama, Les clients en question, enquête d’opinion publique, 2004
Donna HUGHES, Best Practices to Address the Demand Side of Sex Industry, 2004
Sven Axel Mansson Les pratiques des hommes »clients » de la prostitution, 2003
On peut aussi noter que les pro-prostitutions protègent les clients parce que justement ceux ci payent et donc permettent aux prostituées de vivre (ou de survivre), et que leur pénalisation mènerait à un manque de revenu pour celles-ci etc etc … or ils ne parlent même pas d’autres métiers ou autre alternatives de rémunération, comme si dépendre des clients était une fatalité et que c’était le béa béa pour vivre. Un véritable manque d’humanisme et de pragmastime…
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